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aussi bien que de tout autre objet de commodité ou d’ornement pour la parure, le logement, l’ameublement et l’équipage. La nourriture de l’homme constitue non-seulement le premier et principal article des richesses du monde, mais c’est encore l’abondance de cette nourriture qui donne à plusieurs autres genres de richesse la plus grande partie de leur valeur. Lors de la première découverte de Cuba et de Saint-Domingue par les Espagnols, les pauvres habitants de ces îles avaient coutume de porter de petits morceaux d’or en guise d’ornement dans leurs cheveux et sur différentes parties de leurs vêtements. Ils semblaient en faire le cas que nous pourrions faire de quelques petits cailloux un peu plus jolis que les autres, que nous regarderions comme valant tout juste la peine de les ramasser, mais comme de trop peu de prix pour les refuser a quiconque nous les demanderait. Ils donnaient cet or à leurs nouveaux hôtes à la première demande, sans paraître se douter seulement qu’ils leur eussent fait là un présent de quelque valeur. Ils furent très-surpris de voir la fureur des Espagnols pour ce métal ; ils ne pouvaient pas soupçonner qu’il y eût un pays au monde où la nourriture, qui est toujours si rare parmi eux, se trouvât entre les mains et à la disposition de quelques personnes en telle surabondance, qu’elles consentissent à en céder de quoi faire subsister toute une famille pendant plusieurs années pour se procurer seulement une petite quantité de ces colifichets brillants. S’ils avaient pu concevoir cette idée, la passion des Espagnols n’aurait plus été pour eux un objet de surprise.



Section III.
Des variations dans la proportion entre les valeurs respectives de l’espèce de produit qui fournit toujours une Rente, et l’espèce de produit qui quelquefois en rapporte une et quelquefois n’en rapporte point.


L’abondance de plus en plus grande de subsistances, en conséquence des améliorations successives de la culture, doit nécessairement faire augmenter sans cesse la demande de chaque partie du produit de la terre qui n’est pas la nourriture, et qu’on peut faire servir pour la commodité ou pour l’ornement. On pourrait donc s’attendre à ce que, pendant le cours des progrès, il ne pût y avoir qu’une seule espèce de variation dans les valeurs comparatives des deux différentes sortes de produits. Cette espèce de produit qui quelquefois rapporte une rente, et quelquefois n’en rapporte pas, devrait constamment augmenter de valeur, relativement à l’espèce de produit qui rapporte toujours une rente. À mesure que