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Glasgow en sera toujours considéré comme le fondateur, et son livre sera toujours lu avec fruit, même quand il en aura paru de meilleurs.

Nous ne relèverons point ici les défauts très-connus du sien : il manque de méthode, d’ordre et de composition. La lecture en est difficile et fatigante au premier abord ; mais il ne faut pas s’arrêter aux aspérités qu’on y trouve, et bientôt la solidité de l’édifice, ses vastes dépendances, ses admirables compartiments apparaîtront à la vue du lecteur. Smith se répète quelquefois ; plus souvent il s’oublie et paraît s’égarer ; mais le fil qui le guide ne se brise jamais : vous le voyez toujours arriver à son but, même après les plus longs détours qui devaient l’en éloigner. Quiconque est assez curieux pour le suivre, ne fût-ce qu’un moment, se sent entraîné dans sa course opiniâtre et sévère, comme celle des cylindres de nos industries, où tout le corps doit passer pour peu qu’on y engage le petit doigt. On ne quitte point cet auteur sans être plus instruit. Son génie projette des lueurs si vives sur tous les sujets, que même lorsqu’il se trompe, il aide le lecteur à reconnaître ses erreurs et lui apprend à s’en défendre. Chez lui, jamais rien de hasardé, d’aventureux et de conjectural : il ne parle que des choses qu’il a approfondies, des villes qu’il a vues, des faits qu’il a vérifiés. Sa probité se fût révoltée à l’idée des extravagances de toute sorte qui devaient agiter le terrain de l’économie politique, et des promesses décevantes qu’on fait ou qu’on accueille de nos jours en son nom. L’expérience lui avait appris que l’humanité marche d’un pas plus lent que la vie de l’homme, et qu’il faut plusieurs relais de générations pour arriver à certains résultats qu’on ne saurait atteindre en quelques années. Adam Smith était surtout un homme de bon sens, d’un jugement exquis, d’une raison inébranlable. On dirait qu’il a vécu exempt de passions, sauf celle des livres, en voyant avec quelle haute impartialité il a envisagé toute chose et poursuivi, au travers des devoirs de sa position, le cours de ses longues et sérieuses études.

Tous ceux de ses contemporains qui ont vécu dans son intimité nous le représentent comme doué d’une humeur douce, spirituel et gai dans la conversation, mais souvent embarrassé