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C’est pour prévenir cette réduction de prix et, par conséquent, de salaires et de profits, en restreignant la libre concurrence qui n’eût pas manqué d’y donner lieu, que toutes les corporations et la plus grande partie des lois qui les concernent ont été établies. Autrefois, dans presque toute l’Europe, il ne fallait pas d’autre autorité pour ériger un corps de métier, que celle de la ville incorporée où il était établi. À la vérité, en Angleterre, il fallait aussi une charte du roi. Mais il paraît que cette prérogative a été réservée à la couronne plutôt comme moyen de tirer de l’argent des sujets que comme moyen de défendre la liberté générale contre ces monopoles oppresseurs. On voit qu’en payant un droit au roi, la charte était, en général, accordée sur-le-champ ; et lorsque quelque classe d’artisans ou de marchands s’était avisée d’agir comme corporation sans avoir pris de charte, ces communautés de contrebande, comme on les appelait, ne perdaient pas toujours pour cela leurs franchises, mais elles étaient tenues de payer au roi un droit annuel, pour la permission d’exercer les privilèges qu’elles avaient usurpés[1]. La surveillance immédiate de toutes les corporations et des statuts qu’elles jugeaient à propos de faire pour leur propre régime, appartenait aux villes incorporées où elles étaient établies, et toute discipline qui s’exerçait sur elles procédait ordinairement, non du roi, mais de la grande corporation municipale, dont ces corporations subordonnées n’étaient que des membres ou des dépendances.

Le régime des villes incorporées se trouva tout à coup dans la main des marchands et artisans, et l’intérêt évident de chacune de leurs classes particulières fut d’empêcher que le marché ne fût surchargé, comme ils disent ordinairement, des objets de leur commerce particulier, c’est-à-dire, en réalité, de l’en tenir toujours dégarni. Chaque classe travailla avec ardeur à fabriquer les règlements les plus propres à ce but et, pourvu qu’on la laissât faire, elle fut très-disposée à laisser faire de même les autres classes. Chaque classe, il est vrai, au moyen de ses règlements, se trouvait obligée d’acheter les marchandises dont elle avait besoin dans la ville même, chez les marchands et artisans des autres classes, et de les payer un peu plus cher qu’elle n’aurait fait sans cela ; mais en revanche elle se trouvait aussi à même de vendre les siennes plus cher, dans la même proportion, ce qui revenait à peu près au même ; dans les affaires que les classes différentes faisaient entre

  1. Voyez le Firma Burgi de Madox, pag. 26, etc. Note de l’auteur.