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leurs salaires, les artisans sont regardés presque partout comme faisant partie d’une classe plus relevée. Cependant cette supériorité est bien peu considérable ; le salaire moyen d’un ouvrier à la journée, dans les fabriques les plus communes, comme celles de draps et de toiles unies, n’est guère supérieur, dans la plupart des lieux, aux salaires journaliers des simples manœuvres. À la vérité, l’artisan est plus constamment et plus uniformément occupé, et la supériorité de son gain paraîtra un peu plus forte si on le calcule pour toute l’année ensemble. Toutefois, cette supériorité ne s’élève pas au-dessus de ce qu’il faut pour compenser la dépense plus forte de son éducation[1].

L’éducation est encore bien plus longue et plus dispendieuse dans les arts qui exigent une grande habileté, et dans les professions libérales. La rétribution pécuniaire des peintres, des sculpteurs, des gens de loi et des médecins doit donc être beaucoup plus forte, et elle l’est aussi.

Quant aux profits des capitaux, ils semblent être très-peu affectés par la facilité ou la difficulté d’apprentissage de la profession dans laquelle ils sont employés. Les différents emplois des capitaux dans les grandes villes paraissent offrir communément chacun la même somme de facilités et de difficultés. Une branche quelconque de commerce, soit étranger, soit domestique, ne saurait être beaucoup plus compliquée qu’une autre.

Troisièmement, les salaires du travail varient dans les différentes professions, suivant la constance ou l’incertitude de l’occupation.

Dans certaines professions, l’occupation est plus constante que dans d’autres. Dans la plus grande partie des ouvrages de manufactures, un journalier est à peu près sûr d’être occupé tous les jours de l’année où il sera en état de travailler ; un maçon en pierres ou en briques, au contraire, ne peut pas travailler dans les fortes gelées ou par un très-mauvais temps et, dans tous les autres moments, il ne peut compter sur de l’occupation qu’autant que ses pratiques auront besoin de lui ; conséquemment, il est sujet à se trouver souvent sans occupation. Il faut donc que ce qu’il gagne quand il est occupé, non-seulement l’en-

  1. Tout cela pouvait être vrai en Angleterre, à l’époque d’Adam Smith ; mais aujourd’hui ces principes souffrent de nombreuses exceptions, surtout en France, où l’agriculture tend à se relever de son infériorité, depuis que le travailleur agricole peut être propriétaire.