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lence. La Chine paraît avoir été longtemps stationnaire, et il y a probablement longtemps qu’elle est arrivée au comble de la mesure de richesse qui est compatible avec la nature de ses lois et de ses institutions ; mais cette mesure peut être fort inférieure à celle dont la nature de son sol, de son climat et de sa situation serait susceptible avec d’autres lois et d’autres institutions. Un pays qui néglige ou qui méprise tout commerce étranger, et qui n’admet les vaisseaux des autres nations que dans un ou deux de ses ports seulement, ne peut pas faire la même quantité d’affaires qu’il ferait avec d’autres lois et d’autres institutions. Dans un pays d’ailleurs où, quoique les riches et les possesseurs de gros capitaux jouissent d’une assez grande sûreté, il n’y en existe presque aucune pour les pauvres et pour les possesseurs de petits capitaux, où ces derniers sont, au contraire, exposés en tout temps au pillage et aux vexations des mandarins inférieurs, il est impossible que la quantité du capital engagée dans les différentes branches d’industrie soit jamais égale à ce que pourraient comporter la nature et l’étendue de ces affaires. Dans chacune des différentes branches d’industrie, l’oppression qui frappe les pauvres établit nécessairement le monopole des riches, qui, en se rendant les maîtres de tout le commerce, se mettent à même de faire de très-gros profits ; aussi dit-on que le taux ordinaire de l’intérêt de l’argent à la Chine est de 12 pour 100, et il faut que les profits ordinaires des capitaux soient assez forts pour solder cet intérêt exorbitant.

Un vice dans la loi peut quelquefois faire monter le taux de l’intérêt fort au-dessus de ce que comporterait la condition du pays, quant à sa richesse ou à sa pauvreté. Lorsque la loi ne protège pas l’exécution des contrats, elle met alors tous les emprunteurs dans une condition équivalente à celle de banqueroutiers ou d’individus sans crédit, dans les pays mieux administrés. Le prêteur, dans l’incertitude où il est de recouvrer son argent, exige cet intérêt énorme qu’on exige ordinairement des banqueroutiers. Chez les peuples barbares qui envahirent les provinces occidentales de l’empire romain, l’exécution des contrats fut, pendant plusieurs siècles, abandonnée à la bonne foi des contractants. Il était rare que les cours de justice de leurs rois en prissent connaissance. Il faut peut-être attribuer en partie à cette cause le haut intérêt qui régna dans les anciens temps.

Lorsque la loi défend toute espèce d’intérêt, elle ne l’empêche pas. Il y a toujours beaucoup de gens dans la nécessité d’emprunter, et