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Quoique, sans aucun doute, la pauvreté décourage le mariage, cependant elle ne l’empêche pas toujours ; elle paraît même être favorable à la génération. Une montagnarde à demi mourante de faim a souvent plus d’une vingtaine d’enfants ; tandis qu’une belle dame qui a grand soin de sa personne, est quelquefois incapable d’en avoir un seul et, en général, se trouve épuisée par deux ou trois couches. La stérilité, qui est si fréquente chez les femmes du grand monde, est extrêmement rare parmi celles d’une condition inférieure. Dans le beau sexe, le luxe, qui enflamme peut-être la passion pour les jouissances, semble toujours affaiblir et souvent détruire les facultés de la génération.

Mais si la pauvreté n’empêche pas d’engendrer des enfants, elle est un très-grand obstacle à ce qu’on puisse les élever. Le tendre rejeton est produit, mais il est placé dans un sol si froid, dans un climat si rigoureux, que bientôt il se dessèche et périt. J’ai souvent entendu dire qu’il n’est pas rare, dans les montagnes d’Écosse, qu’une mère qui a eu vingt enfants n’en ait pas conservé deux vivants. Plusieurs officiers fort expérimentés m’ont assuré que, bien loin de trouver à recruter leur régiment parmi les enfants de soldats qui y naissent, ils n’ont même jamais pu s’y fournir de tambours et de fifres. Cependant il est rare de voir nulle part un plus grand nombre de jolis enfants que dans les environs d’une caserne. Un très-petit nombre d’entre eux arrivent à l’âge de treize ou quatorze ans. Dans quelques endroits, la moitié des enfants qui naissent meurt avant quatre ans ; dans beaucoup d’autres avant sept, et dans presque tous avant neuf ou dix. Cette grande mortalité, toutefois, se rencontrera principalement parmi les enfants des basses classes, que leurs parents ne peuvent pas soigner comme le font ceux d’une condition plus élevée. Quoique leurs mariages soient, en général, plus féconds que ceux des gens du monde, cependant la proportion d’enfants qui arrivent jusqu’à l’âge fait y est beaucoup moindre. Dans les hôpitaux d’enfants trouvés, et parmi les enfants élevés à la charité des paroisses, la mortalité est encore beaucoup plus grande que parmi ceux du bas peuple[1].

Naturellement, toutes les espèces d’animaux multiplient à proportion de leurs moyens de subsistance, et aucune espèce ne peut jamais

  1. Consulter, sur la question des enfants trouvés, les ouvrages de MM. de Gouroff, Monfalcon, et le livre de Malthus, sur la Population. A. B.