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aussi beaucoup baissé de prix. Dans le siècle dernier, les pommes et même les oignons consommés dans la Grande-Bretagne étaient en très-grande partie tirés de la Flandre. Les manufactures de toiles et de draps communs se sont perfectionnées au point de fournir aux ouvriers des habillements meilleurs et à plus bas prix, et les fabriques de métaux communs sont aussi devenues, par leur progrès, en état de leur fournir des outils meilleurs et à moindre prix et, de plus, une quantité d’ustensiles de ménage agréables et commodes[1]. À la vérité, le savon, le sel, la chandelle, le cuir et les liqueurs fermentées sont devenus, beaucoup plus chers, principalement à cause des impôts qui ont été établis sur ces denrées[2]. Mais la quantité que les ouvriers pauvres sont obligés d’en consommer est si petite, que l’augmentation de ces prix est loin de compenser la diminution survenue dans le prix d’une infinité d’autres choses. Les plaintes que nous entendons chaque jour sur les progrès du luxe qui gagne les ouvriers les plus pauvres, lesquels ne se contentent plus aujourd’hui de la nourriture, des vêtements et du logement qui leur suffisaient dans l’ancien temps, ces plaintes nous prouvent que ce n’est pas seulement le prix pécuniaire du travail, mais que c’est aussi sa récompense réelle qui a augmenté.

Cette amélioration survenue dans la condition des dernières classes du peuple doit-elle être regardée comme un avantage ou comme un inconvénient pour la société ? Au premier coup d’œil, la réponse paraît extrêmement simple. Les domestiques, les ouvriers et artisans de toute sorte composent la plus grande partie de toute société politique. Or, peut-on jamais regarder comme un désavantage pour le tout ce qui améliore le sort de la plus grande partie ? Assurément, on ne doit pas regarder comme heureuse et prospère une société dont les membres les plus nombreux sont réduits à la pauvreté et à la misère. La seule équité, d’ailleurs, exige que ceux qui nourrissent, habillent et logent tout le corps de la nation, aient, dans le produit de leur propre travail, une part suffisante pour être eux-mêmes passablement nourris, vêtus et logés[3].

  1. Chap. xi de ce livre : Des effets des progrès, etc.
  2. Liv. V, chap. ii : Impôts sur les objets de consommation. — Il est très-important aussi de consulter sur ce sujet le chapitre de Ricardo : de l’Impôt sur les salaires.
  3. L’excellent docteur Smith se croit presque obligé de démontrer que le bien-être des classes laborieuses n’est pas un mal. Un jour viendra où l’art de gouverner consistera surtout dans les moyens d’assurer le bien-être de ces classes. Ab Jove principium. A. B.