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vante si haut l’habileté en arithmétique politique, a calculé le revenu ordinaire des manœuvres et domestiques de campagne à 15 livres par an pour chaque famille, qu’il suppose consister, l’une dans l’autre, en trois personnes et demie. Son calcul, quoique différent en apparence, correspond exactement, au fond, avec celui du juge Hales. Ils évaluent l’un et l’autre la dépense de ces familles, pour une semaine, à environ 20 deniers par tête. Depuis ce temps, le revenu pécuniaire et la dépense de ces familles ont considérablement augmenté dans la plus grande partie du royaume ; dans quelques endroits plus, dans d’autres moins, mais presque nulle part autant qu’on l’a avancé dernièrement au public, dans certaines évaluations exagérées de l’état actuel des salaires. On doit observer qu’il n’est possible de déterminer exactement nulle part le prix du travail ; car on paye souvent des prix différents pour le même genre de travail, et cela dans le même temps, non-seulement en raison de l’adresse de l’ouvrier, mais encore en raison de la facilité ou de la dureté du maître. Partout où les salaires ne sont pas fixés par la loi, tout ce que nous pouvons espérer de déterminer, c’est leur taux le plus habituel ; et l’expérience semble démontrer que la loi ne peut jamais les régler convenablement, quoiqu’elle ait eu souvent la prétention de le faire[1].

La récompense réelle du travail, la quantité réelle des choses propres aux besoins et commodités de la vie, qu’il peut procurer à l’ouvrier, a augmenté, dans le cours de ce siècle, dans une proportion bien plus forte encore que son prix en argent. Non-seulement le grain a un peu baissé de prix, mais encore beaucoup d’autres denrées qui fournissent au pauvre économe et laborieux des aliments sains et agréables, sont descendues à un prix infiniment plus bas. Les pommes de terre, par exemple, ne coûtent pas, dans la plus grande partie du royaume, la moitié du prix qu’elles coûtaient il y a trente ou quarante ans. On en peut dire autant des choux, des navets, des carottes, toutes denrées qu’on ne cultivait jamais autrefois qu’à la bêche, mais qu’aujourd’hui on fait venir communément à la charrue. Les produits du jardinage ont

  1. Pour tout ce qui concerne le salaire des ouvriers en France, il est indispensable de consulter le consciencieux ouvrage de M. le docteur Villermé : Tableau de l’état physique et moral des ouvriers, 2 vol., 1840. Cet ouvrage, empreint des plus nobles sympathies pour les classes ouvrières, appartient à une école bien éloignée de la dureté systématique de Malthus et de Ricardo. A. B.