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particuliers peuvent, à l’égard de beaucoup de marchandises, tenir assez longtemps de suite le prix de marché au-dessus du prix naturel.

Lorsque, par une augmentation dans la demande effective, le prix de marché de quelque marchandise particulière vient à s’élever considérablement au-dessus du prix naturel, ceux qui emploient leurs capitaux à fournir le marché de cette marchandise, ont en général grand soin de cacher ce changement. S’il était bien connu, leurs grands profits leur susciteraient tant de nouveaux concurrents engagés par là à employer leurs capitaux de la même manière, que la demande effective étant pleinement remplie, le prix de marché redescendrait bientôt au prix naturel, et peut-être même au-dessous pour quelque temps. Si le marché est à une grande distance de ceux qui le fournissent, ils peuvent quelquefois être à même de garder leur secret pendant plusieurs années de suite, et jouir pendant tout ce temps de leurs profits extraordinaires, sans éveiller de nouveaux concurrents. Cependant, il est reconnu que des secrets de ce genre sont rarement gardés longtemps, et le profit extraordinaire ne dure guère plus longtemps que le secret.

Les secrets de fabrique sont de nature à être gardés plus longtemps que les secrets de commerce. Un teinturier qui a trouvé le moyen de produire une couleur particulière avec des matières qui ne lui coûtent que la moitié du prix de celles qu’on emploie communément, peut, avec quelques précautions, jouir du bénéfice de sa découverte pendant toute sa vie et la laisser même en héritage à ses enfants. Son gain extraordinaire procède du haut prix qu’on lui paye pour son travail particulier ; ce gain consiste proprement dans les hauts salaires de ce travail[1]. Mais comme ils se trouvent être répétés sur chaque partie de

  1. Le gain qui procède de secrets industriels diffère évidemment et du salaire et du profit ; et quoiqu’on ne lui ait pas appliqué le nom de rente, il en constitue réellement une. La rente de la terre est ce surplus, qui, par le haut prix de ses produits, surpasse les dépenses de culture. Le gain extraordinaire provoqué par un secret industriel est un surplus analogue, que le haut prix de ses produits élève au-dessus des salaires et des profits. Quelle est donc la différence entre ces deux sources de bénéfices ? Le Dr. Smith prétend que ce gain extraordinaire de l’industrie vient du haut prix accordé au travail privé. Mais le détenteur du secret peut ne pas travailler, et généralement même cette hypothèse se vérifie. D’un autre côté il n’accorde pas de hauts salaires pour le travail qu’il réclame. La marchandise n’exige pas plus de frais pour être amenée au marché ; mais elle acquiert un