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On peut appeler ce taux moyen et ordinaire le taux naturel du salaire, du profit et du fermage, pour le temps et le lieu dans lesquels ce taux domine communément.

Lorsque le prix d’une marchandise n’est ni plus ni moins que ce qu’il faut pour payer, suivant leurs taux naturels, et le fermage de la terre, et les salaires du travail, et les profits du capital employé à produire cette denrée, la préparer et la conduire au marché, alors cette marchandise est vendue ce qu’on peut appeler son prix naturel[1].

La marchandise est alors vendue précisément ce qu’elle vaut ou ce qu’elle coûte réellement à celui qui la porte au marché ; car, bien que dans le langage ordinaire, on ne comprenne pas dans le prix primitif d’une marchandise le profit de celui qui fait métier de la vendre, cependant s’il la vendait à un prix qui ne lui rendît pas son profit au taux ordinaire de la localité, il est évident qu’il perdrait à ce métier, puisqu’il aurait pu faire ce profit en employant son capital d’une autre manière. D’ailleurs, son profit constitue son revenu ; c’est, pour le marchand, le fonds d’où il tire sa subsistance. De même que le vendeur avance à ses ouvriers leurs salaires ou leur subsistance pendant que la marchandise se prépare et est conduite au marché, de même il se fait aussi à lui-même l’avance de sa propre subsistance, laquelle en général est en raison du profit qu’il peut raisonnablement attendre de la vente de sa marchandise. Ainsi, à moins de lui concéder ce profit, on ne lui aura pas payé le prix qu’on peut regarder, à juste titre, comme celui que cette marchandise lui coûte réellement.

En conséquence, quoique le prix qui lui donne ce profit ne soit pas toujours le plus bas prix auquel un vendeur puisse quelquefois céder sa marchandise, c’est cependant le plus bas auquel, pendant un temps un peu considérable, il soit en état de le faire, au moins s’il jouit d’une parfaite liberté, ou s’il est le maître de changer de métier quand il lui plaît.

Le prix actuel auquel une marchandise se vend communément est ce qu’on appelle son prix de marché. Il peut être ou au-dessus, ou au-dessous, ou précisément au niveau du prix naturel.

Le prix de marché de chaque marchandise particulière est déterminé

  1. J.-B. Say, et, après lui, presque tous les économistes ont donné le nom de frais de production à ce qu’Adam Smith appelle prix naturel. On se sert aussi quelquefois des mots prix de revient ; mais on ne peut raisonnablement appeler prix le taux auquel une chose ne se vend pas. A. B.