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plus grande quantité d’or au même titre, en lingot. Mais l’or monnayé est plus commode que l’or en lingot ; et quoique le monnayage soit franc de tous droits en Angleterre, cependant l’or qu’on porte en lingot à la Monnaie ne peut guère rentrer entre les mains du propriétaire, sous forme de monnaie, qu’après un délai de plusieurs semaines. Aujourd’hui même que la Monnaie a tant d’occupation, il faudrait que le propriétaire attendît plusieurs mois pour le retirer. Ce délai est équivalent à un léger droit, et il donne à l’or monnayé un peu plus de valeur qu’à l’or en lingot, à quantité égale. Si l’argent était évalué dans les monnaies anglaises selon sa juste proportion avec l’or, il est probable que le prix de l’argent en lingot tomberait au-dessous du prix pour lequel il est reçu à la monnaie, même sans qu’il y eût aucune réforme dans la monnaie d’argent actuelle, tout usée et effacée qu’elle est, se réglant sur la valeur de l’excellente monnaie d’or avec laquelle on peut l’échanger.

Un léger droit de seigneuriage ou un impôt sur le monnayage, tant de l’or que de l’argent, augmenterait probablement encore davantage la valeur de ces métaux monnayés sur la valeur de quantités égales en lingot. Dans ce cas, le monnayage élèverait la valeur du métal monnayé en proportion de l’étendue de ce léger droit, par la même raison que la façon augmente la valeur de la vaisselle à proportion du prix de cette façon. La supériorité du métal monnayé sur le lingot empêcherait qu’on ne fondît la monnaie et en découragerait l’exportation. Si quelque nécessité publique en rendait l’exportation nécessaire, la majeure partie de cette monnaie rentrerait bientôt d’elle-même. Au-dehors, on ne pourrait la vendre que pour la valeur de son poids comme lingot ; au-dedans, elle vaudrait quelque chose de plus[1].

  1. Une seule qualité nous importe dans la monnaie : c’est qu’elle ait de la valeur, et la conserve depuis le moment où nous l’acquérons pour une vente, jusqu’à celui où nous nous en séparons par un achat ; or l’expérience nous prouve que cette qualité peut résider dans des billets de confiance, et même dans une monnaie de papier, qui ont en outre l’avantage sur l’argent d’être plus promptement comptés et plus facilement transportés ; avantage qui, pour un objet qui devient successivement la propriété de tant de personnes différentes, est digne aussi de quelque considération. Ce sont ces considérations qui engagèrent M. David Ricardo à publier son excellente brochure intitulée Proposals for an economical and secure currency, dont l’objet est essentiellement de proposer un papier de confiance dont la valeur ne pourrait jamais tomber au-dessous de l’or, parce qu’il serait perpétuellement remboursable à présentation contre de l’or en lingots, et qui resterait forcément dans la circulation, par la nécessité où serait le public de s’en servir comme intermédiaire dans les échanges, à défaut de pièces métalliques qu’on ne lui livrerait pas. Une très-petite quantité d’or en lingots suffirait pour soutenir la valeur d’une fort grande quantité de billets ; car les besoins de la circulation empêcheraient qu’on ne recourût au remboursement extrême ; on irait recevoir l’or en lingots quand on aurait besoin du métal, mais quand on ne voudrait de la monnaie que pour faire des payements, on prendrait incontestablement du papier. D’ailleurs si quelque motif de méfiance menait un grand nombre de porteurs de billets à, la caisse, l’effet d’un pareil remboursement serait de diminuer la somme de la monnaie en circulation, et par conséquent d’en réveiller la demande. J.-B. Say.