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alimenter en grande partie la consommation du pays. Pour atteindre ce but, le grand remède, sur l'emploi duquel beaucoup de gens insistent, est l'introduction d'agents européens dans l'intérieur. On prétend que l'honnêteté et l'intelligence supérieures d'Européens déjoueraient les tromperies et les petites fraudes des marchands indigènes, et qu'en offrant aux fermiers un prix proportionné à la qualité on les stimulerait à mieux préparer leur coton. Sans aucun doute, l'adoption de ce système aurait de grands avantages, mais son efficacité est fort exagérée en Angleterre. Les difficultés que l'on rencontre à traiter directement avec les fermiers sont si grandes, que la plupart des Européens trouveraient, au premier abord, la chose impraticable ; et dans les cas où on a essayé de ce moyen, il a presque toujours échoué. Comme nous l'avons déjà observé, les fermiers ont presque tous l'habitude de vendre leur récolte d'avance, et de recevoir aussi d'avance une forte partie du prix convenu ; mais ceci est un genre d'affaires qui ne peut convenir à une maison européenne de Bombay. Supposons qu'un agent voulût traiter dans l'intérieur pour 5,000 balles directement avec les fermiers, il devrait faire des arrangements distincts avec des milliers de cultivateurs, et cette maison devrait consentir à disposer de 50,000 livres sterling (1,250,000 francs) ou à peu près pour plusieurs mois, et à acheter au prix du moment. Et pour courir ce risque énorme, ce marchand se met entièrement à la merci de ces innombrables clients, car il lui est impossible de les surveiller individuellement, et de s'assurer que leurs petits marchés sont fidèlement exécutés. Si le contrat est fait au moment où le coton vaut 300 roupies (750 francs), et que, quand le moment de la livraison arrive, il en vaille 400 (1,000 francs), beaucoup de fermiers répudieront leurs engagements ; ils livreront une partie de leur coton à d'autres acheteurs, et n'en donneront que la moitié à l'Européen, ou ils vendront à d'autres leur meilleur coton, et garderont le plus mauvais pour lui ; ou bien ils refuseront carrément de tenir leurs engagements, et lui rembourseront la somme avancée.