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quel point ces prévisions, assez sensées dans leur abstraction, résisteront à l'examen des circonstances véritables du sujet.

Le coton, dans la plus grande partie de l'Inde, est cultivé en assolement avec d'autres produits, on le considère rarement comme le principal produit d'une habitation. Les céréales d'une sorte ou d'une autre constituent partout la denrée principale. Les fermes des habitants sont très petites, et c'est de temps immémorial la coutume que chaque fermier récolte de quoi nourrir sa famille. Il peut quelquefois ajouter à cela un petit champ de coton rendant en moyenne une ou deux balles. Mais le fermier ne négligera pas la culture des céréales pour celle du coton, quelque élevé qu'en soit le prix, car il s'exposerait ainsi à mourir de faim. Aucun excédant de récolte n'existe pour remédier au manque de céréales ; le commerce intérieur de l'Inde est encore tout à fait primitif ; il n'existe pas de grandes portions du pays qui tirent leurs approvisionnements de céréales d'une autre région pour s'adonner à des branches spéciales d'agriculture. La règle générale, dans l'Inde entière, est que chaque localité, et chaque cultivateur individuellement, récoltent de quoi se nourrir. Cela est si vrai, que, si la récolte des grains vient à manquer dans une région, la famine s'ensuit, et les habitants meurent par milliers, tandis que le reste de l'Inde ne souffre ni ne s'émeut. Durant la famine qui a régné dans les provinces du Nord-Ouest il y a deux ans, on dit qu'un demi-million d'habitants sont morts de faim, tandis que, dans la plus grande partie de l'Inde, les récoltes étaient suffisantes ; mais les moyens de communication dans l'intérieur étaient si pitoyables, et le commerce des céréales si peu organisé, qu'on ne put envoyer à temps, pour conjurer cette affreuse calamité, des approvisionnements dans les districts désolés par la famine. Il n'est donc pas surprenant que les indigènes aient de la répugnance à diminuer leurs récoltes de grains pour cultiver du coton.

En outre, dans toutes les parties de la présidence de Bombay, les denrées sont déjà rares et chères; la légère augmentation de la culture du coton a beaucoup influé sur leurs prix,