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L’ÉCRIN DISPARU

— Je pourrais vous répondre, que vous le connaissez mieux que moi !…

— Comment ?… mieux que vous ?… moi ?… vous voulez plaisanter, sans doute, Monsieur…

— C’était un honnête homme, de condition modeste, et dont l’intégrité était à l’abri de tout soupçon, intelligent, ayant de vastes projets bien que sans ressources, il a trouvé précisément à l’heure où il en avait un impérieux besoin, la valeur qui était nécessaire à ses plans. Il l’a trouvée, ai-je dit, et non dérobée…

— Et il l’a gardée ?… interrogea le jeune homme.

Le détective eut un petit ricanement accompagné d’un geste évasif.

— Depuis lors, ajouta-t-il, ce bienheureux levain a fait fermenter la masse, et aujourd’hui, elle est immense…

— Mais alors, reprit Hippolyte, transporté d’espoir, c’est le salut que vous m’apportez là ? Car, vous le connaissez, n’est-ce pas ce misérable ?

— Oui, je l’avoue : je le connais !…

— Et vous allez me dire son nom ?…

— Je pourrais vous le dire, mais ne vous faites pas illusion : tout est contre vous. — Les faits dont il s’agit, sont vieux de neuf ans : et au point de vue légal, il y a amplement prescription, donc nul espoir de recouvrement.

D’autres parts, vous n’avez que des preuves morales ; puis celui qu’il faudrait poursuivre est riche, respecté, puissant. S’il nie, personne ne vous croira ; sa situation vous domine à tel point, qu’il est sensément inaccessible.

— Mais quel est-il donc cet homme ?

— Je vous le répète, vous le connaissez mieux que moi.

C’était un homme probe, un cerveau puissant, qui se sentait supérieur au rang modeste qu’il occupait alors ; le seul obstacle à l’éclosion de son génie, était l’argent. Pendant des mois, des années, il l’attendit, s’aigrissant, rongeant son frein, côtoyant parfois le désespoir. — Un jour vint où la tentation se présenta ; épuisé par l’attente, sans force devant le péril, privé du flambeau céleste qu’il avait laissé s’éteindre… il succomba…

Ah ! comme elle est éclatante la vérité !… Et comme tout concorde : les dates, les faits…

Un travail insensible s’opère dans l’esprit d’Hippolyte ; il rapproche lui aussi les dates, les faits. Des détails oubliés lui reviennent à la mémoire, et voici que lentement, mais invinciblement, un nom monte, monte à ses lèvres, nom qu’elles se refusent à prononcer, nom qu’il voudrait écarter, mais qui malgré