Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
L’ÉCRIN DISPARU

Giraldi partait pour Détroit, à la conquête de sa réputation, peut-être de la fortune.

Les joies de ce monde sont courtes. La semaine qui suivit la réception de l’heureuse nouvelle, réservait à Lucie d’autres angoisses. — Depuis le départ de son mari, en effet, un mouvement instinctif la portait à suivre la chronique des courses de vélodromes qui tient une large place dans les informations sportives.

Or, ce jour-là, les lignes suivantes lui tombèrent sous les yeux ; l’entrefilet avait pour titre :

« Deux Automobilistes qui l’échappent belle. »

Les exercices d’hier, au grand Vélodrome de Chicago, faillirent enregistrer deux victimes de plus, dont le célèbre chef d’usine, Monsieur Holden, et un jeune inventeur montréalais du nom de Giraldi. Ce dernier, dessinateur-industriel, de profession, et employé aux Bureaux de la « Canadian Motors Limited » de Montréal, prétend avoir découvert un moteur capable de tripler l’énergie que déploie le « Lyman-B » tout en réduisant de 50 % la consommation de l’huile. C’est en faisant l’essai de ce nouveau et merveilleux modèle, que s’est produit l’accident. Dans la rapidité d’un tournant trop brusque, une des roues vint à déraper et provoqua le capotage du véhicule.

Monsieur Holden en fut quitte pour une foulure au poignet ; tandis que son compagnon, qui avait plusieurs éraflures au visage, fut relevé sans connaissance. Porté sous une tente-ambulance, où lui furent prodigués les soins les plus empressés, le courageux inventeur voulut reprendre dans l’après-midi même, les épreuves du matin, interrompues par ce funeste accident. Il refit une à une toutes les expériences dont il s’agissait d’établir la supériorité, et finalement devant un jury d’experts, obtint le Brevet officiel qui proclamait le Moteur « GIRALDI » Grand Prix de l’Exposition de Chicago.

Le journal tomba des mains de Lucie :

— Mon Dieu, murmura-t-elle toute pâle, je sentais qu’il fallait une rançon à sa gloire…

Puis, encore toute tremblante d’émotion, elle s’assit à la table-bureau nouvellement acquise, et laissant courir sa plume, écrivit :

Mon cher LÉO,

C’est l’âme encore toute bouleversée par le récit de l’accident dont tu as été victime que je t’écris. Je ne saurais te dire