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L’ÉCRIN DISPARU

blessure. Il appelle sa mère, supplie des inconnus et veut se lever pour retrouver un écrin perdu. Sa surexcitation est telle, que parfois le gardien de la salle, doit prêter main-forte à l’infirmière, pour maintenir le malade sur son lit, Puis, les crises s’espacent et… finalement disparaissent.

Un beau matin, il ouvre des yeux dont l’expression est redevenue normale ; mais la faiblesse est toujours grande ; un sommeil paisible et réparateur achève de lui rendre ses forces.

Il est sauvé.

Tout le temps de sa convalescence, Rodolphe l’employa à songer. Il sentait bien qu’il n’avait échappé à la mort, que pour retomber dans la misère. Qu’allait-il devenir, en sortant de cette maisons hospitalière ? Absorbé en lui, il ne répondait que par monosyllabes aux questions et quand on lui demanda son nom, il balbutia : « Je ne sais plus. »

Il mentait, se souvenant de tout, hélas ! mais la crainte d’être reconnu, d’être renvoyé par la police dans ce milieu qu’il avait fui, lui inspirait une horreur indicible. On n’insista pas, imputant son défaut de mémoire, à la violence du choc, peut-être au dérangement du cerveau.

Et lancinante, cette pensée lui revenait : que peut-être, son père avait mal cherché, et que depuis ce temps-là, l’écrin aurait pu être retrouvé… Ah ! si cette hypothèse était juste… c’était la fin de la misère, la réhabilitation, le salut pour lui dans une vie faite de repentir et de travail. Mais comment savoir la vérité ? Inutile de songer au retour avant cette heureuse certitude.

Un jour, il vit non loin de son lit, un vieillard moribond qu’un ministre religieux disposait à faire une mort chrétienne ; bien qu’en costume de clergyman, par quelques paroles de l’exhortation, le jeune homme avait vite deviné le prêtre catholique ; ce fut un soulagement pour sa pauvre âme, une fiche de consolation dans sa misère, quelque chose comme la lumière d’un phare qui se rallumerait pour le nautonier en détresse. C’était un de ces hommes, que tout enfant, sa mère lui avait appris à révérer, comme le médecin des âmes, le dispensateur des dons célestes.

Ayant achevé son ministère, le prêtre s’en retournait quand passant non loin du lit de Rodolphe, il entendit cet appel spontané :

— Monsieur l’Abbé !

Emu autant que surpris, celui-ci se retourna, devinant une âme à guérir, un service à rendre, une misère à consoler.