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L’ÉCRIN DISPARU

Qui dira le nombre des victimes tombées durant cette année néfaste, qui porte une croix noire en tête du cahier de ses archives.

Si les deuils furent nombreux, la misère profonde, il est juste de reconnaître que la charité publique et le dévouement privé, furent à la hauteur de l’épreuve. Madame Giraldi tint une place d’honneur, dans cette phalange d’élite, qui de son cœur chrétien, comme de sa bourse large ouverte, sut tirer des trésors de générosité aussi admirables qu’insoupçonnés à une époque de confort et bien-être comme la nôtre.

Ordinairement accompagnée de Madeleine, en vraie mère des pauvres, elle visitait de préférence les foyers aussi dépourvus des dons de la fortune que de ceux de la foi. Dans la mesure du possible, elle laissait avec les soins et les remèdes qui guérissent les corps, le mot charitable, la tendre compassion qui consolent les âmes. Aussi, comme sa visite était appréciée et attendue des familles pauvres. La renommée publique ne tarissait pas d’éloges à son sujet.

Tant de généreux sacrifices comblèrent la mesure de ses mérites comme de ses forces. Bientôt, elle dut demander pour elle-même les services que jusqu’alors, elle avait prodigués aux autres. Retenue au lit, il est facile d’imaginer les alarmes, les attentions délicates, les soins infinis de Madeleine et de son père pour la « Garde-malade » des indigents. Le Docteur, grand ami de la famille, mit à contribution tous les secrets de son art pour enrayer le mal dès le début. Le succès ne répondit pas de suite à ses efforts. Dès le troisième jour, il en vint à doubler et même à tripler ses visites ; une pneumonie aiguë s’était déclarée.

Plus de repos à la résidence de monsieur Giraldi. Étant jour et nuit aux côtés de la chère malade, celui-ci tomba lui-même dans un tel état de prostration nerveuse, qu’il fit concevoir des craintes à son tour. Le cinquième jour, un mieux relatif rendit à tous le courage avec la confiance. Le lendemain, hélas, vit bientôt disparaître cette lueur d’espoir. Transportée en hâte à l’Hôtel-Dieu pour y recevoir les soins d’un spécialiste de renom, la malade ne cessa de se montrer aussi grande et aussi virile dans ses douleurs, qu’elle avait été bonne et compatissante à celles d’autrui.

Sa lucidité d’esprit demeurant parfaite, elle comprit l’imminence du danger et en vaillante chrétienne se prépara à l’affronter. — Après avoir reçu avec ferveur, tous les secours que la sainte Église prodigue aux fidèles mourants, elle n’eut plus d’autre tâche que de panser les blessures que sa mort allait faire aux membres de sa famille. Plus vaillante, parce que plus chré-