Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eu peine à concevoir que cette doctrine pût être celle d’un Perse, disciple de Zoroastre, d’autant plus que rien ne nous autorise à croire que les Perses aient eu, avant l’islamisme, des moines ou des solitaires. On comprendra facilement encore, dans cette supposition, comment le livre de Calila n’offre aucune trace des dogmes, des opinions ni du culte des disciples de Zoroastre. Barzouyèh chrétien a dû, sans doute par respect ou par ménagement pour le roi par l’ordre duquel il travailloit, éviter, dans son ouvrage, toute trace du christianisme ; mais il a dû aussi en écarter tout ce qui aurait pu tenir à une religion profane qu’il devoit condamner.

On demandera sans doute pourquoi, dans cette supposition, Barzouyèh aurait été nommé Boud par Ebed-Jesu ou par les écrivains qu’il a consultés. Je n’ai pas de réponse positive à donner à cette question, mais on peut supposer que Barzouyèh étoit originaire ou même natif de l’Inde ; qu’il portoit, dans ce pays, le nom de Boud ou Boudda ; que dans la suite, ayant fixé son domicile en Perse, il y avoit pris le nom Persan بززوده, qui pouvoir signifier, en cette langue, grand, élevé, beau[1].

Des Versions Persanes,
antérieures à celles d’Abou’lmaali Nasr-allah.

La plus ancienne version Persane du livre de Calila, dont il soit fait mention par les écrivains Orientaux, est celle qui fut entreprise sous le règne de l’émir Samanide Nasr, fils d’Ahmed, par ordre de son vizir Abou’lfadhl (ou Abou’lfazl) Belami ابوللففدل بلعمى ou Belgami بلعمى. Il en est fait mention dans le Schah-namèh, en ces termes :

» Le livre de Calila resta ainsi en arabe jusqu’au temps de Nasr. Lorsque ce prince régna sur le monde, l’excellent Abou’lfazl, son visir, qui, en fait d’éloquence, étoit son

  1. Le nom de Barzouyèh برزویه peut être composé de برز et de ویه, mot qui entre dans beaucoup de noms Persans ou plutôt Pehlvis, comme سيبویه, مسکویه, دادویه, &c., et duquel paroissent se former des adjectifs, à-peu-près comme de ou وسَ ou سان en persan moderne, et de va en samscrit. Le mot برز en persan, veut dire باندی, بالاى, زيباى, جمال hauteur, haute taille, parure, beauté.