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s’arrête pas au dehors des récits qu’on y lit ; mais qu’au contraire on recherche le sens moral caché sous l’écorce des fables. En second lieu, il recommande de mettre en pratique les sages leçons que ce livre contient, quand une fois on les aura bien comprises, la science ne servant de rien, si on ne l’applique à la conduite de la vie, et ne rendant même que plus coupable et plus condamnable celui en qui elle reste stérile et sans fruit. L’homme sage doit, selon Ebn-AImokaffa, se proposer un but utile dans tout ce qu’il entreprend : il ne doit point se mettre en colère, lorsque Dieu permet qu’il lui arrive quelque accident, fâcheux en apparence, et qui, cependant, dans les vues de la providence, doit avoir pour lui un heureux résultat. Il ne faut pas néanmoins que la confiance en la providence l’empêche de travailler et de faire ses efforts pour se procurer ce dont il a besoin ; mais ses efforts doivent toujours avoir pour principal objet les biens solides et durables. L’homme sensé doit encore se tenir en garde contre ses passions, ne pas ajouter foi aux paroles de tout le monde, ne point s’opiniâtrer dans les fausses démarches où l’erreur a pu l’entraîner, croire à l’inévitable effet des décrets du ciel, agir avec courage et persévérance, ne faire aux autres que ce qu’il voudroit qu’on lui fît, ne jamais chercher son avantage aux dépens d’autrui. Enfin Ebn-Almokaffa recommande encore aux lecteurs de ne pas se contenter de feuilleter superficiellement ce livre, pour en admirer les images ; il veut qu’on le lise en entier, avec une sérieuse attention.

Il finit en disant que les auteurs de cet ouvrage se sont proposé quatre choses en le composant. La première a été de le rendre attrayant pour les jeunes-gens dont l’esprit est léger, en y faisant parler et agir diverses espèces d’animaux ; la seconde, de fixer l’attention des princes, par les figures d’animaux qui y sont dessinées et coloriées ; la troisième, que, à raison du plaisir que les hommes de toutes les classes prendraient à le voir et à le lire, il se multipliât par un grand nombre de copies, et se transmît ainsi à la postérité la plus reculée. Quant au quatrième objet, ajoute-t-il, qui est le vrai but de la composition de ce livre, il ne concerne que les philosophes. On sent que l’auteur veut parier des