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mais on ne se fut pas plutôt saisi du philosophe pour exécuter l’ordre du roi, que celui-ci, changeant de résolution, révoqua son arrêt et se contenta de faire jeter Bidpaï dans un cachot. À cette nouvelle, les disciples du brahmane se dispersèrent et cherchèrent leur sûreté dans des contrées éloignées. Un long espace de temps s’écoula sans que Dabschélim se ressouvînt de Bidpaï, et que personne osât prononcer devant le roi le nom du philosophe. Une nuit cependant que le prince ne put prendre de sommeil, il réfléchit sur les mouvemens célestes et le système de l’univers. Comme il cherchoit inutilement à se rendre compte de quelque problème relatif aux révolutions des astres, il se ressouvint de Bidpaï, et se repentit de l’injustice qu’il avoit commise à son égard. Sur-le-champ il l’envoya chercher, et lui ordonna de répéter tout ce qu’il avoit dit la première fois. Bidpaï, après avoir protesté de la pureté de ses intentions, obéit ; et Dabschélim l’ayant écouté avec attention et avec des signes de repentance, lui fit ôter ses liens, et lui déclara qu’il vouloit lui confier l’administration de son empire. Bidpaï ne consentit qu’avec peine à accepter cette charge. La nouvelle de son élévation ne se fut pas plutôt répandue, que ses disciples se hâtèrent de revenir de leur bannissement volontaire, dans les états de Dabschélim ; et ils y établirent une fête à perpétuité, en mémoire de l’heureux changement survenu dans la conduite du roi.

L’administration de Bidpaï eut, pour tout le royaume et pour le souverain, les effets les plus heureux, et les vertus de Dabschélim lui soumirent tous les rois de l’Inde, qui s’empressèrent à l’envi de reconnoître sa suprématie. Pour Bidpaï, ayant rassemblé ses disciples, il leur rendit compte des motifs qui i’avoient engagé à exposer sa vie pour l’intérêt du royaume et le soin de sa propre renommée, et les instruisit que le roi l’avoit chargé de composer un livre qui contînt les préceptes les plus importans de la sagesse. Il les engagea à écrire chacun sur le sujet qu’ils voudroient choisir et à lui soumettre leurs travaux, ce qu’ils lui promirent[1].

  1. Cette dernière phrase semble tout-à-fait déplacée, et ce qui suit paroît n’en être que le développement.