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nouilles qui parvinrent à l’aide des Oiseaux à tirer vengeance de l’ÉIéphant qui les fouloit aux pieds[1].

Les disciples de Bidpaï s’excusèrent tous de donner leur avis ; mais ils représentèrent au philosophe les dangers auxquels l’exposeroit l’exécution de son entreprise hardie. Bidpaï leur déclara qu’il ne se désisterait, par aucun motif que ce pût être, de son projet ; qu’il iroit trouver le roi et lui faire des représentations ; et il leur recommanda de se réunir de nouveau auprès de lui, lorsqu’ils apprendraient qu’il serait de retour de la cour : après quoi il les congédia.

Bidpaï se présenta donc chez le roi. Admis à son audience, il le salua et demeura dans le silence. Dabschélim, étonné de ce silence, ne douta point que le philosophe n’eût à lui communiquer quelque affaire importante ; il lui adressa le premier la parole, et l’invita à faire connoître le sujet pour lequel il étoit venu ; mais il ne lui laissa pas ignorer que s’il se mêloit des affaires que les rois doivent se réserver, il ne manquerait pas de punir son audace téméraire. Le philosophe, après avoir demandé et obtenu du roi la permission de lui parler avec franchise, commença par lui exposer que les qualités qui distinguent l’homme des autres animaux, ce sont la sagesse, la tempérance, la raison et la justice, qualités qui renferment toutes les vertus, et qui élèvent celui en qui elles se trouvent réunies, au-dessus de toutes les chances malheureuses de la fortune. Il dit ensuite que, s’il avoit hésité à prendre la parole, c’étoit un effet de la crainte respectueuse que lui inspirait la présence du roi ; que les sages ne recommandoient rien tant que le silence ; mais que néanmoins il alloit user de la liberté que le roi lui avoit accordée. Puis entrant en matière, il reprocha à Dabschélim de ne point imiter les vertus de ses ancêtres, de la puissance desquels il avoit hérité, et d’appesantir au contraire sur ses sujets le joug de sa tyrannie, et il l’exhorta à changer de conduite. Dabschélim, outré de colère, lui fît de vifs reproches de sa témérité, et commanda qu’on le mît en croix ;

  1. Cette fable se trouve dans le Pantcha-tantra, où elle fait partie du récit des aventures de Calila.