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livre a été écrit, quelle utilité on peut retirer de sa lecture, et comment on doit le lire pour le faire avec fruit. J’ai développé ailleurs les motifs qui me déterminent à penser que ce chapitre est effectivement l’ouvrage du traducteur Arabe.

Quant à la traduction, il nous est impossible de dire jusqu’à quel point Abd-allah a pu s’écarter du texte Pehlvi. On ne peut se faire une idée de l’extrême variété qui règne dans les manuscrits de la version Arabe. Cette variété est telle qu’on est quelquefois tenté de croire qu’il existe plusieurs versions Arabes de ce livre, tout-à-fait différentes l’une de l’autre. J’aime mieux penser cependant qu’il n’y a eu qu’une seule traduction du pehlvi en arabe, celle d’Abd-allah, fils d’Almokaffa ; mais que cette traduction a été dans la suite interpolée par les copistes ou par des hommes de lettres qui ont cru l’embellir en allongeant le récit, multipliant les incidens, y insérant de nouvelles fables, des proverbes, des allusions, soit à l’Alcoran, soit aux traditions, retranchant aussi parfois ce qui leur paroissoit manquer de justesse ou d’élégance, accommodant enfin l’ouvrage à leur goût ou à celui de leur siècle.

Les seuls moyens critiques qui s’offrent à nous, pour reconnoître ces interpolations, ce sont la version Grecque de Siméon Seth, qui doit avoir été faite vers l’an 1080 de J. C., et la version Persane d’Abou’Imaali Nasr-allah ben-Abd-alhamid : elles sont faites l’une et l’autre d’après l’arabe et sont certainement les plus anciennes de toutes celles que nous connoissons. La version Grecque de Siméon Seth, quoiqu’elle ne soit pas exempte d’interpolations, me paroît s’approcher beaucoup de la simplicité primitive de la traduction Arabe d’Abd-allah. Quant à la traduction Persane qui est au plutôt de l’an 510, l’auteur a lui-même pris beaucoup de libertés en la faisant, et d’ailleurs il est vraisemblable que dans le cours de trois siècles et demi, la version Arabe d’Abd-allah avoit déjà subi bien des altérations et des transformations.

Obligé d’opter entre les diverses rédactions que me présentoient six ou sept manuscrits que j’avois sous les yeux, j’ai cru que celle