Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

titawi, sorte d’oiseau dont le nom n’est ni persan ni arabe, mais bien indien, tittéba ; de là enfin, une mention fréquente des brahmes ou brahmanes.

La fable du Moine et de la Belette rappelle la familiarité des Indiens avec la mangouste, qui s’apprivoise facilement, vit dans les maisons comme le chat parmi nous, les purge des rats, des souris, des mulots, et est l’ennemi né des couleuvres et des serpens qu’elle saisit avec une adresse inexprimable. Il est vraisemblable que, dans l’original Indien, c’étoit de la mangouste qu’il s’agissoit dans cet apologue[1]. Les singes et les tortues, souvent mis en scène dans ces fables, appartiennent plutôt à l’Inde qu’à la Perse.

Et qu’on n’objecte pas qu’il n’y est point question de Vischnou, de Crischna, des avatara ou incarnations, de toute la mythologie Indienne, et autres choses de ce genre. Si l’on prend, comme cela doit être, pour base de cet examen critique, la version Arabe, on verra quelle est écrite du style le plus simple, sans aucune érudition, et on en conclura, ou qu’il en étoit de même de l’original Indien, ou plutôt que Barzouyèh n’a pris de cet original que la morale, la politique et les apologues, et qu’il a supprimé tout ce qui avoit trait à la mythologie et à la croyance Indienne. On peut bien faire une semblable supposition, puisque la traduction du Hitoupadésa en persan, faite dans l’Inde par un musulman, il y a à peine cent soixante ans, est pareillement dépouillée de tout ce qui appartient à la religion, de l’Inde.

    disoit souvent, dans cette langue, llan et Anilan pour Iran et Aniran, Minotchetl pour Minotchetr, &c. Le c a été changé en ه h, comme dans Dimnèh et Schanzébèh. Il reste le t, dont le changement en l paroît difficile à justifier ; mais on peut remarquer que beaucoup d’indiens prononcent le da, de la série des consonnes qu’ils nomment cérébrales, comme un r : il en est sans doute de même du ta de Carataca, qui appartient à la même classe de consonnes. Si donc les Indiens prononçoient Cararaca, quoiqu’ils écrivissent Carataca, il est naturel que ce t prononcé comme un r, se soit changé en l dans le pehlvi, et qu’on ait dit Calalah.

  1. Voy. Essais philosophiques sur les mœurs de divers animaux étrangers, p. 86 ; Paulin de Saint-Barthélemy, Viaggio alle Indie orientali, p. 154. La mangouste, quoi qu’en dise l’auteur des Essais, s’appelle kirri dans L’Inde. On l’y nomme aussi نيولى niouli, mot dérivé du samscrit nakoula. Voy. la note 325 de M. Wilkins sur le Hitoupadésa. Les voyageurs nomment souvent cet animal ichneumon.