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mythologiques de la Perse, des attributs et des fonctions des Amschaspands et des Izeds, du Zend-avesta et de son auteur. On n’y voit jamais (je parle ici de la version Arabe, la plus ancienne que nous connoissions) les noms de Cayoumarath, de Djemschid, de Dhohhak, de Féridoun, de Rostam, de Minotchehr et autres héros de la Perse. Ni Alexandre, ni Darius, n’y sont nommés ; le Neurouz, ni aucune fête des Persans, n’y est rappelé. Les animaux symboliques décrits dans les livres de Zoroastre, gravés sur les ruines des anciens monumens de la Perse, ou sur les pierres fines que le temps a épargnées, sont inconnus à l’auteur de ce recueil.

Au contraire, les traces de l’indianisme, quoique peut-être affoiblies déjà et altérées dans la traduction Pehlvie, y sont en grand nombre. De là la fréquente mention des moines et des fakirs, l’abstinence du chacal religieux qui refuse de manger de tout ce qui a vie, la malédiction prononcée par un moine contre un serpent, dans l’apologue de la Grenouille et du Serpent ; de là la métamorphose d’une souris en femme, par les prières d’un saint, et sa restitution à l’état de souris, par le même moyen[1] ; de là encore des noms propres d’animaux qui ont une signification dans la langue Indienne et n’en ont point, à notre connoissance, en persan, tels que Dimna ou Damanaca[2], Schanzébèh ou Sanjavaca ;

  1. Cette fable ne se trouve point dans le Hitoupadésa, quoiqu’il y ait dans le IVe livre une métamorphose d’une souris en chat ; puis en chien ; puis en tigre, et enfin en souris. La fable dont il s’agit est néanmoins bien d’origine Indienne, et elle se trouve, comme telle, dans la Mythologie des Indous, du colonel de Polier, t. II, p. 577.
  2. Il est certain que les Arabes prononcent ce mot Dimna ou Dimnèh. L’auteur du Kamous le dit positivement, et d’ailleurs on le fait rimer avec mihna مِخنه ; mais rien n’empêche de croire qu’on le prononçoit en pehlvi Damanah, et que, si les Arabes l’ont prononcé Dimna, c’est qu’ils lui ont donné une forme Arabe et l’ont considéré comme analogue à دِمْنه fumier, vestiges d’habitations, rancune. Le s final a été substitué au c indien, pour se conformer à l’usage de la langue Persane : il en est de même dans Schanzébèh سنزبه pour Sanjavaca. Ce ه en persan, est analogue au ق k ou au غ gh des Arabes.

    Quant à Calila, substitué à Carataca, il est moins aisé d’en rendre raison : je ne crois pas cependant impossible de justifier ce changement. Il est très-possible d’abord que, dans le pehlvi, on prononçât Calalah au lieu de Calila, et que cette dernière prononciation ait été admise par les Arabes, comme plus analogue aux formes de leur langue. En outre, le r du nom indien aura été changé en l, parce que cela étoit très-commun dans le pehlvi. Les inscriptions nous apprennent qu’ont