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Il rêve cependant que, des anges suivi,
Il l’emporte, endormie, au seuil d’un nouveau monde :
Extatique et pareil, en son âme profonde,
Aux femmes en douleur, il entrevoit, ravi,

La première lueur inondant ses prunelles,
Et ses premiers sanglots d’un sourire apaisés,
Et ses pieds nus encor des langes de baisers
Où les enfermera sa bouche maternelle !

Car c’est un fruit vivant qu’il porte dans son cœur,
L’époux chaste aux genoux d’une chaste épousée,
Fruit vermeil et sanglant d’une sainte rosée,
Mûri dans l’ombre, éclos sous le soleil vainqueur :

C’est tout son être, à lui, germant sous sa mamelle ;
C’est l’espoir fécondé des floraisons d’amour
Qui furent sa jeunesse et n’ont duré qu’un jour :
C’est son âme entr’ouvrant sa ramure jumelle,

Quand, sentant que sa vie a fini de mûrir,
Comme un arbre géant sur la vierge il se penche
Et dit : Eve, ma sœur, soulève ta main blanche
Et cueille le fruit d’or qui nous fera mourir !