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II

PARFOIS, sur le chemin que leur marche ensanglante,
Le sombre chœur des gueux et des déshérités,
Comme un troupeau de bœufs que le fouet tourmente,
Pousse sa grande voix dans les immensités.

Et la nuit seule entend leur clameur insensée
Qui roule, sous l’azur, le bruit sourd de ses flots.
La majesté des deux n’en est pas offensée ;
Le vide boit leurs cris et le vent leurs sanglots !

Mieux vaut au pèlerin que trahit son courage,
Fuir les sentiers perdus qu’a brûlés le soleil,
Et, muet, s’endormir sous le cruel ombrage
Où la jalouse Mort vient punir le sommeil.

Moi, je marche toujours, sans plainte et sans colère :
Il n’est de pauvreté qu’au cœur sans souvenir.
Je porte dans mon âme un trésor de misère,
Et mes jours sont, remplis d’aimer et de souffrir !