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II



LES ombres s’allongeaient, à des dragons pareilles ;
Les grands bois, accroupis au bord de l’horizon,
Semblaient des bœufs couchés ou de frileuses vieilles
Qui chauffent leurs pieds morts alentour d’un tison.

Dans l’azur immobile et poli comme un marbre,
Des étoiles filtraient, pareilles à des pleurs ;
Et la sève, perlant sous l’écorce de l’arbre,
Emplissait l’air voisin de puissantes odeurs.

A l’ombre des roseaux dressés comme des piques,
Les grenouilles, en chœur, jetaient leurs voix rythmiques ;
De nocturnes oiseaux, dans l’air, traçaient des ronds.

Et la brise, frôlant la cime des bruyères
En soulevait l’essaim vibrant des moucherons
Dont la lune argentait les vivantes poussières.