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LES AILES D’OR

Pour l’orgueil de ses yeux au triomphe malsain
Et dont l’âpre débauche a meurtri la paupière,
Pour le néant qui dort sous son beau front de pierre,
Pour le vide qui rêve à l’ombre de son sein.

Ô pâle courtisane à mon destin liée
Par je ne sais quel nœud que resserre l’affront,
Toi dont le baiser met une insulte à mon front,
Ton infamie en moi revit multipliée !

Je t’aime pour les maux dans ton cœur amassés,
Pour l’horreur dont je vois ta beauté poursuivie ;
Je t’aime pour la honte immense de ta vie
Et pour les longs plaisirs de tes amants passés.

Je revis avec toi leurs ivresses perdues,
Leurs rapides bonheurs et leurs mornes ennuis,
Et j’égrène, en pleurant, dans la longueur des nuits,
Le rosaire maudit de tes beautés vendues.