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LES AILES D’OR

Pour qu’à mes yeux jaloux leur beauté fût rendue,
J’ai bravé le flot noir des mornes Phlégétons ;
Dans la coupe de nacre, où boivent les tritons,
J’ai recueilli les pleurs d’Ariane éperdue.

J’ai compté dans la tiède haleine des bûchers,
Les sanglots de Didon sur la troyenne plage,
Et, du cap Lesbien, j’ai suivi le sillage
Du corps blanc de Sapho descendu des rochers.

Par un guerrier ravie aux délices du pâtre,
Au sang de ses pieds nus j’ai suivi Lycoris ;
Et, sur son bras glacé, lourd de joyaux de prix,
Baisé le bracelet sanglant de Cléopâtre.

Car les destins m’ont fait, par les temps accomplis,
Le séculaire amant des amantes passées,
Et les vierges en fleur, dans la tombe pressées,
Rajeunissent pour moi leurs charmes abolis.