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Le Conte de l’Archer.

D’abord il eût été absolument furieux que quelque bonheur arrivât à son ancien ami, et puis, comprenant à peu près ce qui se passait dans le cœur de la jeune fille, il en était intérieurement flatté pour son fils, trouvant tout naturel que celui-ci fît des malheureuses à distance. On lui eût annoncé qu’Isabeau mourait de langueur par amour de Tristan, qu’il lui eût rendu toute sa sympathie et même sa considération la plus distinguée.

En attendant, quand il surprenait dame Mathurine échangeant quelques mots avec Isabeau, ce qui arrivait quelquefois, il se mettait dans d’épouvantables colères, jurant comme un païen ; et les deux pauvres femmes étaient obligées de se cacher pour se dire tout bas combien l’absent avait emporté de leur cœur.

C’est qu’en ce temps-là les nouvelles étaient rares, et ce n’était pas chose aisée que de correspondre dans un pays où les routes étaient sans cesse coupées par les excursions des volontaires et des mercenaires criant, ceux-ci : Vive le Roi ! et ceux-là : Vive le duc Charles ! Outre que les messagers n’osaient guère s’aventurer, tous les chevaux étaient au service des hommes d’armes. Il y avait donc plus d’un an que Tristan était parti accompagné de frère Étienne, que nul n’aurait pu