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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

Oui ! elle s’éveillera encore, quoique ces membres lumineux soient sans mouvement, et silencieuses ces douces lèvres, qui naguère, respirant l’éloquence, auraient pu apaiser la rage du tigre, et fondre le cœur glacé d’un conquérant. Ses yeux humides de rosée sont clos, et de leurs paupières, dont le lin tissu cache à peine à l’intérieur les orbes bleu sombre, l’enfant sommeil a fait son oreiller ; ses tresses d’or ombragent l’orgueil sans tache de son sein, se tordant comme les vrilles d’une plante parasite autour d’une colonne de marbre.

Écoutez ! D’où vient ce son éclatant ? Il est comme le murmure prodigieux qui s’élève autour d’une ruine solitaire et que les échos du rivage font entendre le soir à l’enthousiaste errant ; il est plus doux que le soupir du vent d’ouest ; il est plus fantastique que les notes sans mesure de cette étrange lyre dont les génies des brises touchent les cordes. Ces lignes de lumière irisée sont comme des rayons de lune tombant à travers les vitraux d’une cathédrale ; mais les nuances sont telles qu’elles ne peuvent trouver de comparaison sur la terre.

Regardez le char de la Reine des Fées ! Les célestes coursiers frappent du pied l’air résistant ; ils replient à sa parole leurs ailes transparentes, et s’arrêtent obéissant aux guides de lumière… La Reine des Enchantements les fit entrer ; elle répandit un charme dans l’enceinte, et, se penchant toute gracieuse de son char éthéré, elle regarda longtemps, et silencieusement, la vierge assoupie.

Oh ! non, le poète visité par les visions dans ses rêves, quand des nuages d’argent flottent dans son cerveau halluciné, quand chaque apparition de l’adorable, de l’étrange et du grand, l’étonné, le ravit, et l’élève, quand