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réponse, dans la plus familière cadence, mêlant son chant solennel au hurlement du tonnerre et au sifflement des torrents vagabonds ; pendant que la large rivière, écumante et emportée dans son lit escarpé, tombait dans ce vide incommensurable, éparpillant ses eaux aux vents qui passent.

Cependant le gris précipice, et le pin solennel, et le torrent n’étaient pas tout ; il y avait encore là un coin silencieux. Au bord même de cette vaste montagne, soutenu par des racines noueuses et des rocs écroulés. il regardait d’en haut dans sa sérénité la sombre terre et la voûte courbée des étoiles. C’était un coin tranquille, qui semblait sourire au sein même de l’horreur. Un lierre s’accrochait aux fissures des pierres avec ses bras enlaçant, et enveloppait dans le berceau de ses feuilles éternellement vertes et de ses baies noires tout l’espace uni de son parquet non foulé ; et là les enfants du tourbillon d’automne faisaient voltiger en de folâtres ébattements ces brillantes feuilles dont les teintes expirantes, rouges, jaunes ou d’un pâle éthéré, rivalisent avec l’éclat des couleurs de l’été. C’est le rendez-vous de toutes les brises suaves, dont la douce haleine peut apprendre aux violents à aimer la paix. Un pas seul, un pas humain, a une fois rompu le silence de sa solitude ; une voix seule a inspiré ses échos ; la voix qui vint alors dans ces lieux, flottant sur les vents, y conduisit la plus adorable des formes humaines, pour faire de ce sauvage asile le dépositaire de toute la grâce et de toute la beauté qui revêtaient ses mouvements, pour lui livrer sa majesté, disperser sa musique dans l’ouragan insensible, et laisser aux humides feuilles et aux bleues moisissures des cavernes, nour-