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ŒUVRES EN PROSE

sublimes et les plus charmantes, qu’à un roman bien tissé, brodé avec habileté, dans le but de soutenir l’intérêt du lecteur et de conduire ses sympathies jusqu’au dénoûment par des gradations dramatiques. Comme l’indique le titre, ce sont des mémoires et non un roman. Cependant, si cette œuvre a des droits au premier de ces noms, ils tiennent seulement à l’impatience et à l’inexpérience de l’auteur, qui possédant à un degré éminent les qualités supérieures d’un romancier, nous allions presque dire d’un poète, a traité avec négligence le chapitre qui aurait probablement assuré son succès, résultat que malheureusement n’ont pas produit des qualités bien plus nobles. Le prince Alexis est un personnage qui n’a rien d’anti-naturel, quoiqu’il ne soit pas commun. Il nous semble voir sa contre-partie dans le portrait qu’a tracé de lui-même Alfred. Les mêmes penchants, la même ardeur de dévouement à ses projets, le même attachement chevaleresque et désintéressé à une liberté sans limites, se retrouvent chez tous deux. Nous sommes disposés à nous demander si ce n’est pas avec une pensée d’ironie profonde et en quelque sorte insondable que l’auteur a attribué à son héros des doctrines de philanthropie universelle ; du moins il ne semble pas influencé par des principes particuliers, et il serait peut-être vain de chercher à connaître la vérité morale qu’il a voulu mettre en lumière, et si même il a voulu en éclairer quelqu’une. Bruhle, le tuteur d’Alexy, est un personnage dessiné avec une habileté consommée. Il fait ressortir avec force la puissance de l’intelligence