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DE PERCY BYSSHE SHELLEY

trer l’espérance humaine bouleversée jusque dans ses fondations, car sans cela sa peinture eût encore pu être éclairée d’un rayon de lumière. Il a eu l’habileté de confirmer l’adage qui dit : « Toute chose est vanité » et aussi « La maison du deuil est préférable à la maison en fête. » Nous en sommes redevables à ceux qui nous font sentir l’instabilité de notre nature, si nous pouvons donner quelque profondeur à la science (qui en est la base) et quelque force aux affections (qui en sont le ciment). Mais on peut regretter qu’Henrietta, elle qui planait si haut sur ses contemporains par ses opinions, si belle que parmi les hommes elle paraissait un esprit, n’agisse pas autrement que les créatures les moins élevées de son sexe ; — et plus encore, que l’auteur, après s’être montré capable de concevoir une créature aussi admirable, aussi charmante, ait été empêché par la nature qu’il avait donnée à son roman, de la représenter dans tout son développement. On serait tout porté à croire qu’il y avait dans la conception première du caractère d’Henrietta, quelque chose de trop vaste et de trop rare pour devenir une réalité, et cette sensation pèse sur l’esprit comme un désappointement. Mais ces objections sont tout extérieures, au point de vue de la conclusion du récit.

L’esprit du lecteur est poussé en avant par une impulsion haletante qui se précipite à mesure qu’il approche du dénouement. Le mot de Smorfla se présente enfin à la pensée, et touche une fibre nerveuse qui ébranle douloureusement l’âme jusqu’en ses profondeurs, et irrite en quelque sorte le sang