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ŒUVRES EN PROSE

ble signifier qu’il y a quelque mérite de la part de la personne qui tolère. Elle a le mérite, si c’en est un de s’abstenir d’un acte blâmable, mais ce mérite, elle le partage avec toute personne paisible qui s’occupe de ses propres affaires, et n’entrave point l’exercice des droits d’autrui. Ce n’est point un mérite d’être tolérant, mais c’est un crime d’être intolérant. Je n’ai aucun mérite à demeurer tranquillement chez moi, sans tuer qui que ce soit, mais je serais criminel si je tuais quelqu’un.

En outre, aucun acte d’une représentation nationale ne peut transformer en une chose blâmable celle qui ne l’était point déjà : elle ne saurait changer la vertu et la vérité, et cela pour une raison bien simple, c’est que ce changement est impossible. Un acte voté dans le Parlement Britannique, pour ôter aux catholiques les droits d’agir dans cette assemblée, ne les leur enlève point en réalité. C’est par la force qu’il les empêche de les exercer. Dans de telles circonstances, c’est le moyen suprême et le seul efficace. Mais la force n’est point la marque de la vérité ; ceux-là n’auront jamais recours à la violence qui reconnaissent pour seule règle de conduite la vertu et la justice.

La folie de persécuter les hommes pour leur religion deviendra évidente si nous y réfléchissons. Pourquoi les persécutons-nous ? Pour les amener à croire ce que nous croyons. Peut-il y avoir rien de plus barbare ou de plus sot ? Car, bien que nous puissions les contraindre à dire qu’ils croient comme nous croyons, ils n’en feront pourtant rien au fond de leur cœur ; et vraiment ils ne peuvent