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GUIDERIUS :

Que les fantômes sans sépulture te respectent !

ARVIRAGUS :

Que rien de mauvais ne s’approche de toi !

ARVIRAGUS et GUIDERIUS ensemble :

Que ta dissolution soit paisible,
Et que renommé soit ton tombeau !

Rentre BELARIUS avec le corps de CLOTEN.


GUIDERIUS. — Nous avons terminé nos obsèques : allons, couchez-le à terre.

BELARIUS. — Voici quelques fleurs ; mais vers minuit j’en porterai davantage : les herbes qui ont sur elles la fraîche rosée de la nuit sont celles qui conviennent le mieux pour en parsemer un tombeau. — Là, sur leurs visages. — Vous étiez comme des fleurs, et maintenant vous voilà desséchés : ainsi en sera-t-il de ces herbettes que nous semons sur vous. — Allons, partons : éloignons-nous pour prier à genoux. La terre qui leur donna naissance les a repris : leurs plaisirs ici-bas sont passés comme leurs peines. (Sortent Belarius, Guiderius et Arviragus.)

IMOGÈNE, se réveillant. — Oui, Monsieur, à Milford-Haven ; quelle est la route ? Je vous remercie. — Par ce buisson là-bas ? — Je vous en prie, combien y a-t-il ; d’ici ? — Cieux bons ! peut-il bien y avoir encore six milles ? — J’ai voyagé toute la nuit : sur ma foi, je vais me coucher et dormir. (Voyant le cadavre de Cloten.) Mais doucement ! pas de camarade de lit. — Ô Dieux et Déesses, ces fleurs sont l’image des plaisirs du monde, et cet homme ensanglanté est l’image de leurs peines. J’espère que je rêve ; car je me figurais que j’habitais une grotte comme celle-là, et que j’apprêtais les repas d’honnêtes créatures : mais il n’en est pas ainsi ; ce n’était qu’une de ces visions sorties de rien, ne s’appliquant à rien, que le cerveau forme de fumées : nos yeux même sont quelquefois comme