Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne furent pas longtemps à s’apercevoir de son état ; on la voyait languir et s’affaisser, on la surprenait versant des larmes dont elle refusait de dire la cause. Voilà la pauvre Madonna Capulet aux champs, pour découvrir d’où naît la tristesse de sa fille. Enfin il lui vient l’idée que peut être Juliette se sent humiliée de n’être pas encore mariée, tandis que toutes ses petites amies d’enfance le sont déjà. Elle fait part de sa belle découverte à Capulet qui se montre tout disposé à bien vite marier sa fille, et qui presse Madonna Capulet de la sonder sur ce sujet. Juliette interrogée sur ce chapitre refuse de se marier. « Qu’est-ce que tu veux donc, si lu ne veux pas le marier ? lui dit sa-mère. Veux-tu te faire dévote ou devenir religieuse ? Juliette répondit alors qu’elle ne voulait pas se faire dévote, ni religieuse, et qu’elle ne savait pas ce qu’elle voulait, sinon mourir. » Ces réponses réitérées sont loin de satisfaire le père Capulet, qui finit par entrer en colère, la menace de la battre comme dans Shakespeare, et lui commande d’épouser le comte Paris de Lodrone. Alors Juliette va trouver le frère Laurent et lui demande des habits de page pour fuir Vérone et aller rejoindre Roméo. Ce moyen semble dangereux et même inexécutable au frère Laurent, et après quelque hésitation il propose à Juliette le stratagème fatal du narcotique et de la mort feinte. Ici se trouve un mot admirable. Frère Laurent, qui avait peine à croire qu’une fillette eût assez de force d’âme et de courage pour se laisser fermer dans un tombeau parmi des morts, lui dit : « Mais, dis-moi, ma fille, n’auras-tu pas peur de ton cousin Tebaldo, tué il y a peu de temps, qui est dans le caveau où tu seras mise et qui doit fièrement sentir mauvais ? — Mon père, répondit la courageuse jeune fille, n’ayez souci de cela, car si je croyais trouver Roméo en traversant les peines et les tourments de l’enfer, je ne craindrais pas le feu éternel, ». Shakespeare a fait exprimer la même résolution à Juliette en vers d’une