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Lupercales, à en juger par leur époque, sont une fête expiatoire. Elles se font un des jours néfastes du mois de février qui signifie lui-même mois expiatoire, et ce jour s’appelait anciennement fevrata. Leur nom en grec veut dire Lycées, et l’on croit d’après cela qu’elles datent de loin, des Arcadiens, compagnons d’Évandre. Mais ce n’est là qu’un bruit populaire : leur nom peut venir de la louve, et les Luperces commencent leurs courses à l’endroit même où, dit-on, Romulus fut exposé. D’ailleurs ce qui s’y fait n’est pas de nature à en éclaircir l’origine. On égorge des chèvres : on fait approcher deux jeunes gens de famille ; des hommes leur touchent le front avec un couteau ensanglanté, et d’autres, au même instant, le leur essuient avec de la laine mouillée de lait. Il faut que les jeunes gens rient après cette opération. On découpe alors des peaux de chèvre ; puis ces lanières en main on se met à courir tout nu, n’ayant qu’une ceinture de cuir, et l’on frappe ceux que l’on rencontre. Les femmes jeunes encore n’évitent point ces coups, persuadées qu’ils ont une heureuse influence sur la grossesse et la maternité. La fête a encore cela de particulier, que les Luperces sacrifient un chien. Un certain Buta, dans ses vers élégiaques, raconte je ne sais quelles fables sur ces pratiques des Romains. Il dit que Romulus et les siens, vainqueurs d’Amulius, coururent tout joyeux jusqu’à l’endroit où tout enfants, la louve leur avait donné la mamelle ; que cette fête est une imitation de leur course, et que les jeunes gens de famille courent,

Frappant tout devant eux, comme avec leur épée,
D’Albe sont accourus Romulus et Rémus.


Pour ce qui est de l’épée sanglante dont on leur touche le front, il dit que c’est une allusion au carnage et au danger de la bataille, et que l’ablution de lait est un souvenir de l’allaitement des deux frères. — Caïus Acilius raconte que, avant la fondation, le troupeau de Romulus et de son frère disparut ; ils adressent une prière à Faune, et se mettent à courir tous nus pour ne pas être incommodés par la sueur : et voilà pourquoi les Luperces courent tout nus. Quant au chien, on peut dire que si la fête est une expiation, on l’immole comme victime expiatoire. Les Grecs, dans les expiations, immolent souvent des chiens, et rien n’est plus fréquent chez eux que ce qu’on appelle Periskylacisme. Si c’est un témoignage de reconnaissance envers la louve, nourrice et gardienne de Romulus, on n’a pas tort d’immoler un chien ; c’est l’ennemi des loups ; à moins, ma foi, qu’on ne punisse cet animal de gêner les Luperces quand ils courent. » (Plutarque, Vie de Romulus. Traduction de M. Talbot.) — Pour peu qu’on examine ces détails, on aperçoit sans beaucoup de peine tous les traits principaux de l’histoire des fondateurs de Rome telle que nous l’a transmise la tradition, histoire symbolisée par des barbares naïfs, aux instincts de bandits, et doués d’une âme plus forte qu’aimable. Il est probable toutefois que les Lycéennes d’Arcadie dont le mot lupercales est l’exacte traduction, se seront mêlées dès l’origine à cette fête romaine, et même qu’elles en auront fourni la base. Mais la