Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur avez volé leur bourdonnement, Antoine, et vous menacez très-prudemment avant de piquer.

Antoine. — Scélérats, vous ne fîtes pas ainsi, lorsque vos vils poignards se plongèrent l’un après l’autre dans les flancs de César ; vous montriez vos dents comme des singes, vous étiez caressants comme des lévriers, vous vous courbiez comme des esclaves en baisant les pieds de César, tandis que le traître Casca, comme un dogue, venait par derrière frapper César au cou. Ô flatteurs !

Cassius. — Flatteurs ! À cette heure, Brutus, vous pouvez vous adresser des remercîments à vous-même : cette langue ne nous aurait pas insultés ainsi aujourd’hui, si Cassius avait été écouté.

Octave. — Voyons, voyons, au fait : si l’argumentation suffit pour nous mettre en sueur, quand nous en viendrons aux preuves, il nous en coûtera une rosée plus rouge. Voyez, je tire mon épée contre les conspirateurs ; quand croyez-vous que cette épée rentrera dans son fourreau ? Jamais, avant que les trente-trois blessures de César soient pleinement vengées, ou qu’un autre César ait fourni une nouvelle proie à l’épée des traîtres.

Brutus. — César, tu ne peux mourir des mains de traîtres, à moins que tu ne les amènes avec toi.

Octave. — C’est bien ce que j’espère ; je ne suis pas né pour mourir par l’épée de Brutus.

Brutus. — Jeune homme, quand bien même tu serais le plus noble de ta race, tu ne pourrais pas mourir d’une manière plus honorable.

Cassius. — Il est bien indigne d’un tel honneur, cet insolent écolier associé à un danseur de mascarades et à un débauché !

Antoine. — Toujours le vieux Cassius !

Octave. — Viens, Antoine, partons ! Nous vous jetons le défi aux dents, traîtres ! si vous osez combattre aujourd’hui, engagez la bataille ; sinon, ce sera quand vous en aurez appétit. (Sortent Octave, Antoine, et leur armée1.)

Cassius. — Eh bien ! souffle, vent ; gonflez-vous, vagues ;