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Brutus. — Je vous en prie, mes amis, couchez-vous sous ma tente, et dormez ; il se peut que j’aie besoin de vous faire lever pour quelque affaire avec mon frère Cassius.

Varron. — S’il vous plaît, nous allons nous tenir ici debout, et nous veillerons en attendant vos ordres.

Brutus. — Je ne veux pas qu’il en soit ainsi : couchez-vous, mes bons amis : il se peut que je change d’avis. (Varron et Claudius se couchent.) Regarde, Lucius, voici le livre que je cherchais ; je l’avais placé dans la poche de ma robe.

Lucius. — J’étais sûr que Votre Seigneurie ne me l’avait pas donné.

Brutus. — Sois endurant avec moi, mon cher enfant, je suis très-oublieux. Est-ce que tu peux tenir encore un instant ouverts tes yeux gros de sommeil, et toucher ton instrument pendant une ou deux mesures ?

Lucius. — Oui, Seigneur, si cela vous fait plaisir.

Brutus. — Cela me plairait ; mon enfant, je te cause beaucoup trop d’ennui, mais tu es de bonne volonté.

Lucius. — C’est mon devoir, Seigneur.

Brutus. — Je ne devrais pas pousser ton devoir au-delà de ta force : je sais que les jeunes sangs sont impatients de leur temps de repos.

Lucius. — J’ai dormi déjà, Seigneur.

Brutus. — Tu as fort bien fait, et tu vas dormir encore ; je ne te retiendrai pas longtemps : si je vis, je serai bon pour toi. (Musique et chant.) Voici un air assoupissant : ô sommeil meurtrier ! c’est ainsi que tu laisses tomber ta masse de plomb sur mon petit serviteur qui te joue de la musique ? Bonne nuit, gentil bambin ; je ne veux pas te causer le chagrin de te réveiller : si tu fais seulement un mouvement de tête, tu vas briser ton instrument ; je vais te le retirer : bonne nuit, mon bon enfant. — Voyons, voyons ; — est-ce que la page n’est pas pliée à l’endroit où j’avais cessé de lire ? C’est ici, je crois. (Il s’assied)