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en avant ! cherchez, brûlez, incendiez, tuez, massacrez ! Que pas un des traîtres ne vive !

Antoine. — Arrêtez, compatriotes.

Premier citoyen. — Paix, par ici ! écoutez le noble Antoine.

Second citoyen. — Nous l’écouterons, nous le suivrons, nous mourrons avec lui !

Antoine. — Mes bons amis, mes aimables amis, que je ne vous excite pas à un mouvement si soudain de révolte. Ceux qui ont accompli cet acte sont honorables ; — quels sont les griefs particuliers qui le leur ont fait commettre, je ne les connais pas, hélas ! ce sont des hommes sages et honorables, et ils vous donneront sans aucun doute de bonnes raisons. Je ne viens pas, mes amis, pour vous dérober vos cœurs : je ne suis pas un orateur comme Brutus ; mais, ainsi que vous le savez tous, un homme simple et sans esprit, qui me contente d’aimer mon ami, et ils le savent trop bien, ceux qui m’ont donné permission de parler de lui en public : car je n’ai ni esprit, ni paroles, ni noblesse, ni geste, ni expression, ni puissance oratoire pour stimuler le sang des hommes : je me contente de parler tout franchement ; je vous dis ce que vous savez vous-mêmes ; je vous montre les blessures du doux César, pauvres, pauvres bouches muettes, et je les invite à parler pour moi : mais si j’étais Brutus, et si Brutus était Antoine, il y aurait ici présent un Antoine qui déchaînerait vos courroux, et qui mettrait dans chaque blessure de César une langue capable de pousser les pierres mêmes de Rome au soulèvement et à la révolte.

Les citoyens. — Nous nous révolterons !

Premier citoyen. — Nous brûlerons la maison de Brutus !

Troisième citoyen. — Allons, en avant ! allons, cherchons les conspirateurs !

Antoine. — Écoutez-moi encore, mes compatriotes ; écoutez-moi encore parler.

Les citoyens. — Paix, holà ! écoutez Antoine, le très-noble Antoine.