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Métellus. — Caïus Ligarius en veut fort à César, qui l’a tancé pour avoir bien parlé de Pompée : je m’étonne qu’aucun de vous n’ait pensé à lui.

Brutus. — Eh bien, mon bon Métellus, allez le trouver : il m’aime beaucoup, et je lui en ai donné sujet ; envoyez-le seulement ici, et je le disposerai.

Cassius. — Le matin vient nous surprendre : nous allons vous laisser, Brutus : amis, dispersez-vous ; mais tous, rappelez-vous ce que vous avez dit, et montrez-vous de vrais Romains.

Brutus. — Bons Seigneurs, que vos physionomies soient gaies et reposées ; ne laissez pas vos regards trahir notre dessein, mais sachez le porter en vous-mêmes, comme font nos acteurs romains, avec des âmes calmes et une impassibilité discrète : là-dessus, je souhaite le bonjour à chacun de vous. (Tous sortent, excepté Brutus.) Enfant ! Lucius ! Profondément endormi ! Peu importe ; jouis de la rosée de miel que le sommeil verse sur toi : tu ne connais pas ces images et ces hallucinations dont l’inquiétude affairée remplit les cerveaux des hommes ; c’est pourquoi tu dors si profondément.


Entre PORTIA.

Portia. — Brutus, mon Seigneur !

Brutus. — Portia, que veut dire cela ? Pourquoi vous levez-vous à cette heure ? Il n’est pas bon pour votre santé d’exposer votre faible tempérament au froid brutal du matin.

Portia. — Cela n’est pas bon pour la vôtre non plus. Vous vous êtes impoliment dérobé à mon lit, Brutus ; et hier soir, à souper, vous vous êtes levé soudainement, et vous vous êtes mis à vous promener, rêvant et soupirant, avec vos bras croisés ; et lorsque je vous ai demandé ce qui vous occupait, vous m’avez imposé silence par des regards méchants : je vous ai pressé avec plus d’insistance, alors vous vous êtes gratté la tête, et vous avez frappé la terre du pied avec par trop d’impatience : j’ai insisté encore, vous ne m’avez pas répondu davantage,