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Brutus. — Que vous m’aimiez, je n’en ai aucun doute, et quant à l’entreprise dans laquelle vous voudriez m’engager, j’en ai quelque soupçon ; je vous dirai plus tard quelles ont été mes réflexions sur cette affaire et l’époque où nous vivons ; pour le moment, si mes instances peuvent obtenir cela de votre amitié, je désirerais ne pas être pressé davantage. Ce que vous m’avez dit, je le méditerai ; ce que vous avez encore à me dire, je l’écouterai avec patience ; et je trouverai une heure convenable pour entendre de si grandes affaires et y répondre. Jusqu’à ce moment, mon noble ami, ruminez bien ceci : Brutus aimerait mieux être un villageois que de se parer du titre de fils de Rome aux dures conditions que cette époque va probablement nous imposer.

Cassius. — Je suis heureux que mes faibles paroles aient frappé assez fort cependant pour faire jaillir de Brutus autant de feu.

Brutus. — Les jeux sont terminés, et César revient.

Cassius. — Lorsqu’ils passeront, tirez Casca par la manche, et il vous racontera, à sa manière morose habituelle, ce qui s’est passé aujourd’hui de digne de remarque.

Rentrent CÉSAR et sa suite.

Brutus. — Je ferai ce que vous me recommandez. Mais voyez donc, Cassius, cette marque de colère qui éclate sur le front de César, et tous les autres qui ont l’air d’une escorte qui a été réprimandée : la joue de Calphurnia est pâle, et Cicéron a ces mêmes yeux enflammés de furet que nous lui voyons au Capitole quand dans la discussion il est contrarié par quelques sénateurs.

Cassius. — Casca nous en dira la raison.

César. — Antoine !

Antoine. — César ?

César. — Entourez-moi d’hommes qui soient gras, d’hommes à tête lisse et dormant la nuit : ce Cassius là-bas a un regard maigre et affamé, il pense trop : de tels hommes sont dangereux.