Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blance est en effet frappante et aussi étroite que possible. L’édition du poëme de Drayton où se trouve ce passage est de 1603 ; mais cette date ne nous renseigne pas sur celle de Jules César, et nous laisse incertain de savoir qui de Drayton ou de Shakespeare a imité l’autre. Si c’est Drayton, Jules César est antérieur à 1603 ; si c’est Shakespeare, la date de Jules César peut se rapprocher beaucoup de celle de Malone. Mais avant l’édition de 1603, les Guerres des barons en avaient eu une première en 1596 sous ce titre : la Mortimeriade, et dans cette édition, le passage relevé par M. Collier n’existe pas. C’est donc Drayton qui est l’imitateur, et Jules César est antérieur à 1603.

La source où Shakespeare a puisé presque uniquement, c’est Plutarque. Cependant il est bon de dire pour mémoire qu’il existait sur ce sujet une vieille pièce anglaise dont l’auteur est inconnu, et qu’en outre il fut joué en 1582, au collège de Christ Church, Université d’Oxford, une pièce écrite en latin sous ce titre Epilogus Cæsaris interfecti, par un certain Richard Eedes. Jusqu’à quel point Shakespeare est redevable à ces productions antérieures, nous ne pouvons le dire, puisqu’elles ne sont pas venues jusqu’à nous, heureusement, et que le temps dans une heure de bon sens a bien voulu les jeter au gouffre des choses inutiles, service qu’il ne rend pas assez souvent à l’humanité.

Le docteur Johnson trouvait le Jules César plus froid que les autres pièces de Shakespeare ; peut-être y a-t-il quelque chose de vrai dans cette opinion ; mais cela tient à ce que cette pièce s’adresse à des facultés toutes différentes de celles que Shakespeare met d’ordinaire en mouvement. Cette fois il ne s’adresse ni à l’imagination, ni à la sensibilité, ni à la passion, il s’adresse aux facultés réfléchies et attentives, à la méditation du philosophe, à l’expérience du politique, à la conscience des hommes nobles et vertueux. Le spectacle qu’il présente est émou-