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Entrent LE DUC, VIOLA, CURIO et LES GENS DE LA SUITE.

Le Duc. — Appartenez-vous à Madame Olivia, mes amis ?

Le Bouffon. — Oui, Monseigneur ; nous sommes quelques-unes de ses parures.

Le Duc. — Je te connais bien ; comment vas-tu, mon bon garçon ?

Le Bouffon. — Vraiment, Monsieur, je vais bien pour mes ennemis et mal pour mes amis.

Le Duc. — C’est juste le contraire ; tu vas bien pour tes amis.

Le Bouffon. — Non, Monseigneur, mal.

Le Duc. — Comment cela se peut-il ?

Le Bouffon. — Parbleu ! Monseigneur, ils me donnent des éloges et font ainsi de moi un âne ; au contraire, mes ennemis me disent nettement que je suis un âne ; en sorte, Monseigneur, que par mes ennemis je progresse dans la connaissance de moi-même, tandis que je suis trompé par mes amis : il s’ensuit que mes conclusions sont comme les baisers, si quatre négations équivalent à deux affirmations, et que par conséquent je vais mal pour mes amis et bien pour mes ennemis.

Le Duc. — Parbleu, voilà qui est excellent.

Le Bouffon. — Non, sur ma foi, Monseigneur, quoiqu’il vous plaise d’être un de mes amis.

Le Duc. — Tu ne t’en porteras pas plus mal pour moi ; voici de l’or.

Le Bouffon. — N’était que cela ferait double jeu, Monseigneur, je vous prierais de recommencer.

Le Duc. — Oh ! vous me donnez de mauvais conseils.

Le Bouffon. — Mettez votre vertu dans votre poche pour cette fois seulement, Monseigneur, et obéissez aux impulsions de la chair et du sang.

Lk Duc. — Allons, je veux bien pécher assez pour jouer double jeu : voici une autre pièce.

Le Bouffon. — Primo, secundo, tertio, cela fait un bon