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ACTE I, SCÈNE I. 18

rieur, en ce sens que vous êtes, le premier-né ; mais cette tradition ne peut pas m’enlever mon sang, y eût-il -vingt frères entre nous. J’ai autant de mon père en moi que vous, quoique, je le confesse, ce fait que vous êtes venu avant moi dans le monde, vous rapproche davantage de sa personne vénérable.

OLIVIER. — Qu’est-ce à dire, bambin 1 (Illève la main sur lui.)

ORLANDO, le retenant. — Voyons, voyons, mon aîné, vous êtes encore trop jeune pour cela.

OLIVIER. — Tu oses porter la main sur moi, vilain !

ORLANDO. — Je ne suis pas un vilain, je suis le plus jeune fils de sire Roland de Bois : il était mon père, et celui-là est trois fois un vilain, qui peut dire qu’il a engendré des vilains. Si tu n’étais pas mon frère, je ne . retirerais pas cette main de ta gorge, que cette autre n’eût ".arraché ta langue pour avoir parlé ainsi ; tu t’es moqué de toi-même.

ADAM, s’avançant. — Mes doux maîtres, de la patience ; en souvenir de votre père, vivez en bon accord. . OLIVIER. — Laisse-moi aller, te dis-je.

ORLANDO. — Vous ne vous en irez que lorsqu’il me plaira : vous m’entendrez. Mon père vous a chargé par son testament de me donner une bonne éducation ; vous m’avez élevé comme un paysan, cherchant à obscurcir et à éteindre en moi toutes les qualités d’un gentilhomme. L’âmede mon père grandit en moi, et je ne supporterai pas plus longtemps ce traitement ; par conséquent, permettez-moi les exercices qui conviennent à un gentilhomme, ou donnez-moi la pauvre provende que mon père m’avait allouée par testament ; avec cela j’irai tenter la fortune.

OLIVIER. — Et que feras-tu ? tu mendieras lorsque cela sert dépensé ? C’est bon, Monsieur ; rentrez : vous ne m’injiortunerez pas longtemps ; YOUS aurez une partie de votie provende : laissez-moi, je vous prie.

ORLANDO. — Je ne veux pas vous offenser plus que ne l’érigent mes intérêts.