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n'a d'autre volonté que celle de Votre Seigneurie, et qui ne dépend pas du désir d'un ami.

ANTONIO. — Ma volonté s'accorde passablement bien avec son désir. Ne va pas t'étonner de ma brusque décision; ce que je veux, je le veux, et c'est tout. J'ai résolu que tu irais passer quelque temps avec Valentin à la cour de l'empereur; tu recevras de moi exactement la même pension qu'il reçoit des siens. Tiens-toi prêt à partir demain matin, ne t'excuse pas, mes ordres sont péremptoires.

PROTÉE. — Monseigneur, je ne puis avoir fait mes préparatifs en si peu de temps; veuillez différer mon départ d'un jour ou deux.

ANTONIO. — N'aie aucune crainte, les choses dont tu auras besoin te suivront de près; plus de retard; tu partiras demain. Marchons, Panthino; vous allez vous employer à presser les préparatifs de son voyage. (Antonio et Panthino sortent.)

PROTÉE, seul.— Ainsi, en évitant le feu par crainte de me brûler, je me suis jeté dans la mer, où je me suis noyé. Je n'ai pas osé montrer à mon père la lettre de Julia de peur qu'il ne mit obstacle à mon amour, et le plus grand de tous les obstacles, c'est ma propre excuse qui lui a fourni le moyen de l'élever. Oh ! comme le printemps d'amour ressemble à la splendeur incertaine d'un jour d'avril, qui découvre maintenant toute la beauté du soleil et que tout à l'heure un nuage en passant va dissiper!

(Rentre Panthino.)

PANTHINO. — Messire Protée, votre père vous demande. Il est très pressé; par conséquent, allez vite, je vous en prie.

PROTÉE. — C'est bien, j'y cours ; mon coeur obéit, et cependant il répond non mille fois. (Ils sortent.)