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APPENDICE.

Catelle humant de plus en plus le venin d’amour par les yeux, lui semblait que Romule devînt de fois à autre plus beau, et pour ce en lieu de lui satisfaire à ce qu’il lui disait pour son maître, lui dit :

— Je ne sais, mon ami, qu’est-ce que tu as fait en mon endroit, mais j’estime que tu m’as enchantée.

— Je ne suis sortilège ni charmeur, dit Romule, seulement vous supplie me dire qu’est-ce que vous voulez que je réponde de votre part à Lactance, afin qu’il soit assuré que j’ai fidèlement exécuté ma charge.

Catelle qui était hors de soi, et affolée d’amour, embrassant encore un coup Romule, lui dit, ne pouvant plus couvrir le feu caché en son âme :

— Ah ! mon espérance, et seul soutien de ma vie, il n’y a jeune homme au monde qui m’eût su faire oublier de la sorte que tu vois que je m’égare, si ce n’est toi, qui es le plus accompli en beauté que je pense qui soit à présent sous tout ce que les cieux entourent en leur concavité. Il faut que je te dise, que si tu veux, je n’aurai jamais autre époux que toi, et ne te soucie des richesses, car j’en aurai assez pour nous entretenir. Prends garde à tes affaires sans te soigner de ton maître, lequel je ne prétends d’aimer en sorte aucune, et dès à présent je lui montrerai si mauvais visage, qu’il sera bien simple s’il ne connaît le peu de compte que je fais de ses poursuites.

Romule, voyant la besogne aller si bien pour son heur, la pria de se supporter pour un temps, qui lui était serviteur très-affectionné, et qu’il s’estimerait plus que bien fortuné de lui obéir et complaire, ne refusant point un trésor si précieux, la remerciant d’un offre de telle conséquence, comme indigne de si grande faveur, mais ajouta qu’il s’y fallait gouverner sagement, afin que Lactance ne s’en prît garde, et lui jouât quelque mauvais