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LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

le duc.

Je te reconnais bien. Comment te trouves-tu, mon garçon ?

feste.

Ma foi, monsieur, je me trouve mieux de mes ennemis, mais moins bien de mes amis.

le duc.

Juste le contraire ! tu veux dire mieux de tes amis.

feste.

Non, monsieur, moins bien.

le duc.

Comment est-ce possible ?

feste.

Dame, monsieur, mes amis me vantent et font de moi un âne ; mes ennemis au contraire me disent franchement que je suis un âne ; si bien que par mes ennemis, monsieur, j’arrive à me mieux connaître moi-même, et que par mes amis je suis abusé. Si donc, en fait de raisonnement comme en fait de baisers, quatre négations valent deux affirmations, j’ai raison de dire que je me trouve moins bien de mes amis et mieux de mes ennemis.

le duc.

Ah ! voilà qui est excellent.

feste.

Ma foi non, monsieur, bien qu’il vous plaise d’être de mes amis.

le duc.

Tu ne t’en trouveras pas plus mal : voici de l’or.

feste.

Si ce n’était vous engager à la duplicité, monsieur, je vous prierais de faire récidive.

le duc.

Ah ! tu me donnes là un mauvais conseil.