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HENRY VI.

valeur, son or et ses peuples dans les guerres ; — il aura si souvent logé en rase campagne — par les froids d’hiver et par les chaleurs brûlantes de l’été, — pour conquérir la France, son légitime héritage ; — mon frère Bedford aura épuisé ses esprits — à conserver par la politique ce que Henry avait acquis ; — vous-mêmes, Somerset, Buckingham, — brave York, Salisbury, victorieux Warwick, — vous aurez reçu de si graves blessures en France et en Normandie ; — mon oncle Beaufort et moi-même, — ainsi que tous les doctes conseillers de ce royaume, — nous aurons, siégeant en conseil, — matin et soir, si longtemps étudié et débattu — les moyens de maintenir sous notre empire la France et les Français ; — Son Altesse aura dès son enfance — été couronnée à Paris en dépit de l’ennemi ; — et tant de labeurs, tant d’honneurs vont être perdus ! — Les conquêtes de Henry, les vigilants efforts de Bedford, — vos exploits guerriers et tous nos conseils vont être perdus ! — Ô pairs d’Angleterre, honteux est ce traité ! — Fatal est ce mariage qui anéantit votre gloire, — efface vos noms du livre de mémoire, — rature les caractères de votre illustration, — dégrade le monument de la France conquise — et défait tout, comme si rien n’avait été !

le cardinal.

— Neveu, que signifie ce langage passionné, — cette péroraison pleine de récriminations ? — Quant à la France, elle est à nous, et nous la garderons toujours.

glocester.

— Oui, mon oncle, nous la garderons, si nous pouvons ; — mais maintenant, c’est impossible. — Suffolk, ce duc de création nouvelle qui a ici la haute main, — a donné les duchés d’Anjou et du Maine — au pauvre roi René, dont les vastes titres — n’agréent pas avec la maigreur de sa bourse.